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<< en fait l'éloge dans les écoles protestantes, et il n'y a a presque personne qui sache ce qu'elle contient. >>

« La Confession d'Augsbourg déclare en sept articles que « la véritable Église, une et sainte, est toujours <«<et doit être l'assemblée de tous les fidèles à qui « l'Évangile est prêché dans sa pureté, à qui les saints << et augustes sacrements sont administrés conformé« ment à l'Évangile ». Si le langage n'a pas été donné aux hommes pour déguiser leurs pensées, ces paroles signifient qu'avant même l'établissement du protestantisme, l'Église où se trouvaient une prédication pure et les sacrements légitimes était la vraie Église, une et sainte. A côté d'une Église sainte et vraie, peut-il y en avoir une seconde et une troisième? L'Église qui, en 1517, était encore une et sainte, a-t-elle cessé tout à coup de l'être, parce que de nouvelles sociétés religieuses, se séparant d'elle, se sont formées à part et l'ont accusée aussitôt d'avoir une fausse doctrine et des sacrements illégitimes, quoique depuis, de l'aveu mème des sociétés séparées, il ne soit survenu en elle aucun changement essentiel? Les auteurs et les souscripteurs de la Confession d'Augsbourg peuvent-ils avoir voulu dire par cet article que l'Église une et sainte se compose d'un nombre indéfini de sociétés séparées, ayant des doctrines, une organisation et des sacrements différents, et s'accusant réciproquement d'erreurs capitales? Peut-il être question de l'autorité et de la valeur de la Confession d'Augsbourg comme profession de foi, si cet article important et décisif est regardé, en pratique, comme non avenu, théorie, il est ignoré ou expliqué à rebours, si on lui donne un sens tout opposé au sens naturel? Une réponse précise et logique à ces questions ferait partie

en

nécessairement des préliminaires d'une réunion ayant pour objet de parvenir à s'entendre. Il le faut dans l'intérêt de tous les laïques qui veulent avoir des explications claires et arriver à la certitude religieuse '. »

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Pour tous ces motifs et d'autres encore, M. Doellinger ne croyait pas en 1862 à la possibilité d'une réunion des Églises; il n'y croit pas davantage en

1872. Ses conférences de Munich sont tout à fait pessimistes à ce sujet. L'une des principales raisons qu'il donne, c'est que les protestants n'ont pas de sacerdoce réel, par conséquent plus de trait d'union avec l'Église chrétienne apostolique: il raconte ainsi leur vaine tentative de renouer cette filiation romaine :

« Vers 1701, au moment où la Prusse fut érigée en royaume, deux philosophes éminents, Leibnitz et Jablonski, ce dernier prédicateur de la Cour, comprirent la gravité de la situation où l'Église réformée d'Allemagne s'était engagée, et se mirent à l'œuvre pour y remédier. Leibnitz pensait qu'il eût mieux valu pour les réformateurs ne pas briser la linea ordinationis ou la succession apostolique, légitimement maintenue par l'ancienne chrétienté; que les évêques auraient dû conserver leur siéges, et les prêtres recevoir de leurs mains l'ordination comme dans le passé. Telle était aussi l'opinion de Jablonski: il croyait qu'on n'avait aboli l'épiscopat que par hostilité contre l'Église romaine; mais, en rompant avec Rome, on avait rompu sans s'en apercevoir avec toutes les anciennes Églises d'Orient, avec celle d'Angleterre et avec l'antiquité chrétienne tout entière. « Le rétablissement de l'épiscopat, ajouta«t-il, est d'autant plus désirable, qu'en s'isolant de

1 L'Église et les Églises, p. 357.

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l'Église romaine, il semble qu'on se soit du même coup « séparé de l'Église universelle.» Toutefois Jablonski voyait à un pareil rétablissement de grands obstacles, qui ne pouvaient être vaincus que par une large mesure d'esprit héroïque >>. Toutes ces observations furent soumises au roi de Prusse, et quand Frédéric Ir monta sur le trône, il fit consacrer par l'Église anglicane deux prédicateurs de sa cour, Ursin et Sander; mais, à leur mort, cet épiscopat éphémère disparut avec eux 1.

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S'il n'y a nulle part des possibilités d'union géné– rale, faut-il donc, selon la parole du cardinal Diepenbrock, nous résigner à « supporter la scission religieuse en esprit de pénitence pour nos fautes communes » ? La supporter, oui; mais il nous restera l'espoir de voir tomber une à une les pierres du rempart qui ne peut être renversé en bloc. L'union à l'Église catholique est l'affaire personnelle de chaque chrétien. Le dernier terme où arrive la Réforme est l'individualisme absolu : puisque, au jugement de M. Vinet, déjà cité, il y encore des protestants, mais plus de protestantisme, il s'agit donc de réunir à l'Église non point le protestantisme, mais des protestants. C'est une chose à régler non pas avec un plénipotentiaire universel, car il n'y en a point dans les communautés protestantes, mais entre chacun des intéressés et l'Église, qui a son plénipotentiaire partout où il y a un évêque, ou un prêtre uni à son évêque. Et lorsque le particulier viendra traiter pour lui-même la question d'union, il ne rencontrera aucune de ces barrières qui ont toujours fait échouer les négociations générales. La conciliation lui apparaîtra toute naturelle, facile et suave.

1 La Réunion des Églises, p. 78. (Paris, 1880.)

Lorsque, dans un État, une rébellion a éclaté et qu'on en est venu à la guerre civile, les chefs des rebelles veulent être reconnus comme belligérants et traiter, comme le ferait une puissance légalement constituée, avec le pouvoir contre lesquels ils ont levé les armes. Ces exigences sont ordinairement le principal obstacle à la pacification. Le chef de l'État offre la vie sauve à quiconque fera sa soumission, mais il n'accorde pas de quartier à ceux qui sont pris les armes à la main. Si cette comparaison est permise, bien qu'il ne s'agisse pas ici d'un champ de bataille, je dirai que, pour arriver à l'unité religieuse, les frères séparés ne doivent pas se présenter à l'Église les armes à la main : les chefs, il est vrai, ne peuvent guère se présenter autrement, tant qu'ils veulent agir comme chefs, mais les simples soldats, qui se trouvent dans les rangs bien moins par leur volonté personnelle que par les conditions de leur naissance, n'ont aucune difficulté à désarmer. Il suffit qu'ils réfléchissent à leur sort, et bien vite ils prendront la résolution de l'enfant prodigue la maison de leur père leur ouvrira largement ses portes et se mettra toute en fête pour les recevoir. La maison est ouverte, mais elle ne peut pas se déplacer; il faut y venir.

On pourrait me poser une objection: S'il faut que l'unité se fasse par la complète fusion d'une Église dans l'autre, pourquoi ne serait-ce pas le catholicisme qui se fondrait dans le protestantisme, au lieu d'imposer à ce dernier seul le sacrifice de son existence? Je réponds d'abord que le protestantisme n'est pas capable de nous recevoir. Il ne peut se fixer lui-même, il est en perpétuelle variation, il est mutilé en mille sectes nées et naissantes chaque jour... Où est la porte d'entrée ?

où est le point d'arrivée? où est le lieu de repos? Quand on invite quelqu'un, il faut pourtant lui assigner un rendez-vous déterminé. Représentez-vous l'effarement qui se répandrait dans toutes les «vénérables compagnies de pasteurs », si tout à coup un message du monde catholique leur était adressé avec cette demande : << Toutes les églises catholiques veulent se réunir à vous pour ne plus former que l'unique troupeau sous l'unique pasteur (SAINT JEAN, X, 16); hâtez-vous de nous donner un symbole de foi unique, nous n'attendons que cela pour renoncer à notre Église en faveur de l'unité universelle. » Que répondraient les pasteurs? Mille ans de discussions leur suffiraient-ils pour trouver la formule unique du symbole demandé? Évidemment le protestantisme, incapable de garder l'unité en lui-même, le serait bien davantage de l'offrir aux catholiques et aux grecs 1. Tout ce qu'il pourrait faire, et c'est à quoi il se bornerait, ce serait de nous dire :

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1 La Semaine religieuse protestante de Genève, numéro du 14 juillet 1885, rapporte le fait suivant :

« L'an passé, quelques protestants de la Nouvelle-Angleterre, frappés des effets fâcheux qui résultent parfois, en Amérique, du régime des dénominations rivales, résolurent de fonder un Congrès périodique des Églises américaines... Les nouveaux Congrès devaient se passer de tout symbole; mais, d'autre part, ils s'interdisaient tout vote, toute résolution collective, et ils renonçaient d'avance à la prétention de minuter des projets d'union comme à celle de formuler des confessions de foi. Ils visaient simplement à établir un contact personnel entre des hommes de dénominations diverses, pour les amener à confronter leurs expériences, à échanger leurs

vues.

« Cette proposition a rencontré de l'écho, et le Congrès ecclésiastique américain (American Congress of Churches) a tenu, du 11 au 13 mai dernier, sa première session à Hartford, sous la présidence de l'Hon. H. B. Harrison, gouverneur de l'État de Con

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