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Genève 1. D'où il résulte enfin que l'évangélisation protestante ne suppute ses succès que par le nombre de bibles et petits traités répandus, et par le chiffre des sommes dépensées.

Combien tout cela est moindre que la croix, l'autel et la messe du missionnaire catholique! Je pourrais ici ramener la comparaison souvent faite d'une manière très-incisive, même par des plumes protestantes, entre l'abnégation totale du missionnaire catholique et l'emploi toujours lucratif du colporteur. Mais mon but n'est pas là, et, d'ailleurs, il faut reconnaître que les colporteurs, à côté du gain, déploient un vrai zèle pour l'intérêt de leur secte, aussi bien que les fournisseurs de fonds. Il y a là plus de dix millions dépensés chaque année; il y a eu des milliards, depuis l'institution de ces différentes sociétés de prosélytisme. Et à quelle fin?

Est-ce pour amener les peuples à l'unité religieuse? Non; car personne ne peut donner ce qu'il n'a pas : le vieux protestantisme, réduit à des divisions reconnues inconciliables, ne saurait engendrer l'unité de foi parmi les âmes qu'il essaye de conquérir.

1 La Semaine religieuse de Genève, du 11 juillet 1885, citant un autre journal protestant, rapporte le fait suivant :

« Un entretien familier a réuni, le 25 juin, dans la salle populaire de la rue de la Fontaine, les amis de l'Évangélisation urbaine. On y a traité la question de savoir s'il convient de rattacher les convertis de nos réunions populaires aux Églises déjà existantes, ou s'il vaut mieux les grouper en associations spéciales et même leur donner la Cène dans le local qui a été le lieu de leur naissance spirituelle. Plusieurs trouvent que nos Églises, avec leurs formes vieillies, sont des milieux trop réfrigérants pour ces néophytes. D'autres insistent pour qu'on ne prive pas les Eglises de ces recrues, qui peuvent leur infuser un sang nouveau. Il faudrait alors que les Églises voulussent bien mettre leurs formes de culte plus en harmonie avec les besoins actuels. »

Est-ce pour amener les peuples à la vérité? Ils le disent; mais comment donneraient-ils la vérité quand ils ne peuvent la définir, la préciser sur aucun des points en controverse, même les points les plus fondamentaux du christianisme?

Est-ce pour amener les peuples à la charité? Mais qui ne sait, au contraire, que toute évangélisation protestante, aujourd'hui comme au seizième siècle, commence, continue et se termine par une fièvreuse aversion pour tout ce qui est catholique, hommes et choses?

Est-ce pour répandre des sentiments religieux plus profonds envers Dieu? Mais l'expérience est faite : elle nous montre que tout ce flot de bibles et de libelles, jeté à travers les populations catholiques, ne réussit qu'à semer l'indifférentisme religieux, à détacher quelques âmes de la religion de leur baptême sans les attacher à une autre. C'est donc une œuvre de mort, et non une œuvre de vie.

Serait-ce enfin pour donner aux peuples plus de bien-être social? Mais il est prouvé que le socialisme et les erreurs similaires, qui ruinent la société moderne, se rattachent par une filiation naturelle à la révolution religieuse du seizième siècle.

Oh! combien toutes ces ressources de propagande, ces millions et ce zèle, qui vaut plus que les millions, contribueraient puissamment à la gloire de Dieu et au bonheur des peuples, si le vrai Évangile en dirigeait l'application! Mais que voyons-nous? L'Église catholique, fidèle gardienne de l'intégrité du christianisme, combat de toutes parts pour l'enseigner, pour le défendre contre les assauts de l'incrédulité et le relâchement des mœurs; et, pendant qu'elle remplit cette mission divine reçue de Jésus-Christ, le protestantisme,

autrefois détaché d'elle, la suit pas à pas, dans les missions lointaines comme en Europe, pour tenter de saper son œuvre '. Voilà trois siècles et demi qu'il se

1 Le 25 juin 1885, la Société évangélique de Genève tenait dans cette ville sa cinquante-quatrième assemblée générale annuelle. Toutes les œuvres de propagande protestante y ont été passées en revue; des rapports particuliers y ont été lus sur chaque branche. La Semaine religieuse protestante de Genève en a rendu compte et donne les renseignements suivants dans son numéro du 4 juillet :

« M. le notaire Gampert présente le rapport du département de colportage. La Société a employé cette année 62 agents, qui ont colporté (la plupart seulement pendant les mois d'hiver) dans une quarantaine de départements français, sur les frontières de la Belgique et de l'Italie et dans quelques cantons suisses. Ils ont vendu, en chiffres ronds, 4,500 Bibles, 18,800 Nouveaux Testaments, 6,700 parties détachées des Livres saints, 147,000 almanachs chrétiens, 131,400 livres et traités religieux. La Société a collaboré à la publication d'un Almanach breton, imprimé à 3,000 exemplaires; elle a fait tirer 50,000 exemplaires du Bon Almanach et 40,000 exemplaires du traité : Prends et lis!...

« M. W. Paull, représentant de la Société biblique britannique et étrangère (traduit par M. A. Bossi), raconte que cette puissante Société a dépensé l'année passée 6 millions de francs et exporté plus de 4 millions d'exemplaires des saints livres. Un million d'exemplaires de la Bible revisée se sont vendus en une semaine. Les Écritures sont maintenant traduites en 267 langues.

« M. le pasteur Le Fort, délégué de la Société génevoise des Protestants disséminés et de la Fondation allemande de GustaveAdolphe, résume à grands traits l'œuvre de cette dernière association. Elle compte 44 sociétés générales, subdivisées en 1,800 branches locales, et dépense maintenant, chaque année, plus d'un million de francs pour près de 1,300 subventions diverses destinées à soutenir l'Église protestante dans les contrées catholiques du monde entier. Le Rev. Thompson, représentant l'Église libre d'Écosse, dit que cette Église a donné l'an passé 175,000 francs au protestantisme continental. »

Le résultat de tout cela, quel est-il? La réponse a été donnée dans la même assemblée; la Semaine religieuse ajoute :

« M. le pasteur Périllard, de Lausanne, délégué de la Société

livre à ce travail souterrain de l'inimitié, le plus souvent avec le concours de toutes les mauvaises puissances du siècle; et, comme s'il voulait s'attirer le reproche du Psalmiste: « Pourquoi te glorifies-tu en ta malice, toi qui es puissant en iniquité?» (Ps. LI, 1) aujourd'hui encore, il déclare par ses voix les plus autorisées qu'il n'a pas de tâche plus urgente que de refouler l'Église romaine. Ne se rappelle-t-on pas involontairement la parabole de l'homme ennemi (SAINT MATTHIEU, c. XIII) qui est venu semer de l'ivraie parmi le bon grain dans le champ du père de famille, pendant le repos de la nuit? Le père de famille, Jésus-Christ, laisse croître l'ivraie de peur de nuire ́au

biblique vaudoise, parle d'une enquête qui a été faite sur le degré de diffusion du saint volume dans ce canton. On a été d'accord pour penser que la Bible était largement répandue, mais assez peu lue dans les masses. »

La Société des missions évangéliques de Bâle, qui, il est vrai, s'est adjoint une Société de commerce dont le passif était, en 1879, de 81,790 francs, dépense annuellement un million (en 1885, exactement 996,473 fr. 50, d'après le 71e rapport annuel). Les fruits ne sont sans doute pas meilleurs que dans le canton de Vaud.

Le catholicisme ne reste pas en retard de générosité pour la diffusion de l'Évangile. Outre les dons faits directement à la sainte Congrégation de la Propagande qui a la direction souveraine des Missions, la Société de la Propagation de la Foi, qui a son siége à Lyon, où elle fut fondée il y a soixante ans, recueille annuellement près de sept millions de francs. Il existe aussi en Allemagne, depuis 1849, une Société de Saint-Boniface, pour la propagation du catholicisme dans les parties exclusivement protestantes ou mixtes de l'Empire. Elle a réuni environ 15 millions depuis sa fondation, et ses recettes de 1884 ont été de 950,000 francs. Elle a servi à établir le culte catholique dans 364 villes ou bourgs d'où il avait disparu depuis le seizième siècle. Elle a construit environ 300 églises et 275 écoles. En 1883, elle distribuait des secours dans 488 postes de missions. La Suisse catholique possède une œuvre analogue dans la Société des Missions intérieures.

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bon grain en la faisant arracher trop tôt; mais il annonce le châtiment pour le jour de la moisson. Et déjà les châtiments semblent éclater à nos yeux : ce n'est plus l'ivraie, c'est le reste de bon grain qui est arraché du sein du protestantisme par le débordement du rationalisme et de la libre-pensée. Le protestantisme subit en quelque sorte la loi du talion; pendant qu'il croyait dévaster en sécurité le champ de l'Église, il s'est détaché de lui-même un autre ennemi, plus méchant que lui, qui a semé à son tour une graine pire que l'ivraie et capable d'étouffer en lui tout reste de christianisme. Le Concile du Vatican nous a retracé ce désolant spectacle dans des termes pleins d'une compatissante émotion :

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<< Personne n'ignore qu'après avoir rejeté le divin magistère de l'Église, et les choses de la religion « étant ainsi abandonnées au jugement privé de cha« cun, les hérésies proscrites par les Pères du Concile « de Trente se sont divisées peu à peu en sectes multiples, de telle sorte que, diverses d'opinion et se « déchirant entre elles, plusieurs ont perdu toute foi « en Jésus-Christ. Ainsi, elles ont commencé à ne plus « tenir pour divine la sainte Bible elle-même qu'elles << affirmaient autrefois être la source unique et le seul juge de la doctrine chrétienne, et même à l'assimiler « aux fables mythiques.

« C'est alors qu'a pris naissance et s'est répandue « au loin cette doctrine du rationalisme ou du natura<< lisme qui, s'attaquant par tous les moyens à la religion chrétienne, parce qu'elle est une institution << surnaturelle, s'efforce avec une grande ardeur d'é« tablir le règne de ce que l'on appelle la raison pure << ou la nature, après avoir arraché le Christ, notre

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