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«< seul seigneur et sauveur, de l'âme humaine, de la « vie et des mœurs des peuples. Mais la religion chré<«< tienne étant ainsi laissée et rejetée, Dieu et son << Christ niés, l'esprit d'un grand nombre est tombé « dans l'abîme du panthéisme, du matérialisme et de « l'athéisme, à tel point que, niant la nature ration« nelle elle-même et toute règle du droit et du juste, « ils s'efforcent de détruire les fondements de la « société humaine1. »

Que l'état du protestantisme actuel soit bien réellement tel que le dépeint le Concile du Vatican, nous en avons le témoignage dans les catéchismes mêmes qui servent à l'instruction des enfants. Si déjà l'on enseigne aux enfants de douze ans une doctrine naturaliste d'où le fondement essentiel de christianisme est absent, quelle foi pourront-ils avoir dès que l'âge les mettra aux prises avec les passions du siècle et l'incrédulité systématique? Or, le catéchisme le plus répandu à Genève est celui d'un pasteur libéral, M. Aug. Chantre, qui en était à sa quatrième édition en 1883, et dont M. Bungener, pasteur orthodoxe, fit la critique suivante dans une brochure publiée à l'occasion de l'élection du consistoire en 1872 :

<< Dans ce livre :

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« Point de révélation, dans le sens ordinaire de ce mot; « Point de surnaturel, pas même en ce sens qu'il y ait eu dans l'apparition du christianisme une intervention exceptionnelle de Dieu;

« Rien dans la Bible de ce qu'on avait toujours entendu par l'inspiration;

1 Concile du Vatican, Constitution sur la foi catholique.

2 Deux mots à tous sur un nouveau catéchisme, par F. BungeNER, p. 5, 8, 13.

« Rien en Jésus de ce qu'on lui attribuait en l'appelant Fils unique de Dieu; rien, ni dans sa nature, ni dans sa naissance, ni dans sa vie, ni dans sa mort, ni après sa mort; rien, absolument rien de supérieur à l'homme et à la commune destinée.

« Il admet l'éternité de la matière. Point de Dieu créateur. « Donc point de surnaturel d'aucune espèce; mais de plus nul changement, nulle modification à espérer dans la volonté immuable qui s'associe au cours immuable de ces lois. Priez, criez..... La locomotive ira son train; Dieu, c'est le mécanicien qui se serait imposé de ne jamais arrêter sa machine, quelques cris, quelques pleurs qu'il entendit au devant de lui sur la voie. Votre enfant, par exemple, est à la mort. Vous priez? Allons donc! Vous n'avez pas lu le catéchisme.

« Voilà tout! C'est l'abolition de la prière...

« Les doctrines, celles, j'entends, qu'on s'était toujours accordé, incrédules comme croyants, à regarder comme les doctrines chrétiennes, fondement, essence, noyau de la religion chrétienne, il n'y en a réellement nulle trace; nulle trace, d'abord, dans cette première partie, où le nom de Jésus n'apparaît pas ; nulle trace ailleurs, où le nom est bien, mais où ni Jésus ni son œuvre ne sont ce que l'Évangile en fait. >>

Le pape Léon XIII, en ses immortelles encycliques sur le socialisme et la franc-maçonnerie, a montré dans le détail les dangers immenses qui résultent pour la société de cet ensemble d'erreurs fondamentales. Mais comme les sectes de la libre-pensée dirigent leurs efforts principalement contre le catholicisme, les protestants se croient à l'abri, sans rechercher les raisons pour lesquelles ils sont moins directement harcelés et que le Pape résume ainsi : « Le premier principe des naturalistes, c'est qu'en toutes choses la nature ou la

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« raison humaine doit être maîtresse et souveraine. « Cela posé, s'il s'agit des devoirs envers Dieu, ou << bien ils en font peu de cas, ou ils en altèrent l'essence << par des opinions vagues et des sentiments erronés. « Ils nient que Dieu soit l'auteur d'aucune révélation. « Pour eux, en dehors de ce que peut comprendre la « raison humaine, il n'y a ni dogmes religieux, ni vérité, ni maître en la parole de qui, au nom de son « mandat officiel d'enseignement, on doive avoir foi. « Or, comme la mission tout à fait propre et spéciale de « l'Église catholique consiste à recevoir dans leur pléni« tude et à garder dans une pureté incorruptible les doc« trines révélées de Dieu, aussi bien que l'autorité établie << pour les enseigner, avec les autres secours donnés du « ciel en vue de sauver les hommes, c'est contre elle << que les adversaires déploient le plus d'acharnement « et dirigent les plus violentes attaques 1.

Et ailleurs :

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« La guerre acharnée que les novateurs soulèvent, à << partir du seizième siècle, contre la foi catholique, << tend à ce but que, toute révélation étant écartée et << tout ordre surnaturel renversé, libre accès soit ouvert << aux inventions ou plutôt aux divagations de la seule « raison. Cette erreur du rationalisme, qui prend injus<< tement son nom de la raison, flatte et excite l'envie << que l'homme a naturellement de s'élever, et lâche « le frein à toutes ses passions; aussi fit-elle par sa « propre force des ravages étendus non-seulement « dans l'esprit de beaucoup de particuliers, mais << encore dans la société civile. Il est résulté de là « que, par une impiété nouvelle inconnue mème des

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1 Lettre encyclique de S. S. Léon XIII, du 20 avril 1884.

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« païens, les États se sont constitués sans tenir aucun « compte ni de Dieu, ni de l'ordre établi par lui... « Les vérités surnaturelles de la foi étant combattues « et rejetées comme contraires à la raison, l'Auteur <« même et le Rédempteur du genre humain est insen«siblement et par degrés banni des universités, des lycées, des gymnases et de toute habitude publique « de la vie humaine. Enfin les récompenses et les peines futures de la vie éternelle étant livrées à « l'oubli, le désir ardent du bonheur a été circonscrit « dans les limites du temps présent. Ces doctrines << partout répandues, cette extrême licence de pensée « et d'action introduite en tous lieux, il n'est pas éton<«<nant que des hommes de condition plus infime, «lassés de la pauvreté de leur demeure ou de leur petit atelier, brûlent d'envahir les palais et la for<< tune des riches; il n'est pas étonnant qu'il n'y ait a plus aucune tranquillité dans la vie publique ou « privée, et que le genre humain soit presque arrivé « au bord de l'abîme...

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« Malheureusement, ceux qui sont chargés de veiller << au bien public, trompés par les ruses des impies et effrayés par leurs menaces, ont constamment fait preuve de défiance et même d'injustice envers « l'Église, ne comprenant pas que tous les efforts des << sectes auraient été impuissants, si la doctrine de l'Église catholique et l'autorité des pontifes romains avaient été toujours dûment respectées par les << princes et par les peuples. Car c'est l'Église du « Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité » « (I Tim., ш, 13), qui enseigne les doctrines et les prinα cipes dont la vertu est d'assurer entièrement l'exis«tence et la tranquillité de la société, et de déra

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«< ciner complétement tous les germes funestes du « socialisme 1. »

Déjà les solennels avertissements de l'auguste pontife ont porté leurs fruits. La politique contemporaine commence à revenir de ses écarts. L'homme qui tient dans sa rude main les destinées de l'Allemagne et pensait y tenir aussi celles de l'Europe, s'est aperçu tout à coup qu'il faisait fausse route dans la question religieuse. Pendant qu'il dirigeait toutes les forces du pouvoir à la destruction de l'Église catholique, le flot du socialisme montait, menaçait d'emporter le trône, préparait au vieux monarque de Berlin une fin tragique semblable à celle de l'empereur de Russie. Alors une première lueur traverse l'esprit du grand chancelier: il déclare à la tribune parlementaire que les francsmaçons lui paraissent plus dangereux que les Jésuites. Puis vient cet étonnant recours au Pape pour la pacification d'un conflit international. Cet arbitrage suprême, que les siècles chrétiens aimaient à confier au SaintSiége, est remis en honneur et à profit par la plus forte puissance protestante du dix-neuvième siècle. Enfin les droits de l'Église s'imposent l'autorité spirituelle du Souverain Pontife est reconnue, et par contre-coup la nécessité de son indépendance temporelle; ce n'est plus à un parlement, jaloux de faire acte de suprématie, que le grand chancelier abandonne le règlement du désastreux conflit religieux, il en négocie les conditions avec le seul pouvoir capable de trancher ces questions de l'âme. Léon XIII, au sein de sa captivité, a la consolation de voir les nations tourner les regards vers son trône, pierre angulaire de l'édifice social, et

1 Lettre encyclique de S. S. Léon XIII, du 28 décembre 1878.

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