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nous pouvons saluer avec le glorieux pontife l'aurore du triomphe qu'il a célébré dans le langage prophétique de la poésie : « Auspicatur Ecclesiæ triumphus'. »

1 Titre d'une poésie de Léon XIII.

Objection des abus.

CHAPITRE VII

Tendances au catholicisme parmi les jeunes gens de Genève. Rapport logique entre les croyances et la conduite pour les individus et les sociétés. Aveux d'un professeur de la Faculté de Montauban. Exemple des saints dans le catholicisme. Témoignage du cardinal Newman.

Il y a plus de tendances que l'on ne croit, parmi nos frères protestants, vers le catholicisme. Bien des âmes sont ébranlées, et, à Genève en particulier, il n'est pas difficile de recueillir l'aveu de leurs angoisses. Pour ne rien dire qui puisse paraître une indiscrétion, je citerai seulement ici le témoignage public d'un ministre libéral, M. Aug. Chantre, avec qui l'on vient de faire connaissance dans le précédent chapitre à propos de son catéchisme. M. Chantre écrivait le 2 mai 1885 dans l'organe religieux de son parti :

«...Il y a longtemps que nous saisissons les signes d'une évolution qui s'opère chez quelques Génevois orthodoxes; ils n'ont plus l'esprit huguenot; ils ont perdu le sentiment qui fit de nos pères des héros, le sentiment que le protestantisme, c'est avant tout la rupture avec Rome, et que Genève sera protestante dans ce sens ou qu'elle ne sera plus. On pense qu'une entente, un rapprochement avec les ultramontains pourraient produire de bons fruits. Si nous disions ici le nom de l'homme qui nous a proposé un jour, à nous-même, de nouer des relations

avec M. Mermillod et d'essayer de faire quelque œuvre commune avec lui, nous provoquerions dans Genève et dans le protestantisme un scandable épouvantable. On recueille aujourd'hui de temps à autre des rumeurs étranges. C'est un homme, puissant bailleur de fonds. pour les œuvres orthodoxes, qui s'écrie dans un comité : « Les adversaires, ce ne sont pas les ultramontains, ce << sont les protestants libéraux ! » Un autre, fort monté naguère contre tel membre de notre aristocratie, qui a passé au catholicisme, dira maintenant : « Les motifs « qui l'ont dirigé sont, en tout cas, respectables, ils se « comprennent; on a tort de lui tenir rigueur. » Des jeunes gens, oui, des jeunes gens, c'est grave, parce qu'ils n'ont pas trouvé cela d'eux-mêmes; ils sont l'écho de ce qu'ils entendent dans les cercles qu'ils fréquentent, émettront l'opinion que le protestantisme libéral n'est pas une religion, mais que le catholicisme, avec quelques abus, en est pourtant une 1...

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Il ne s'agit en tout cela que d'aspirations isolées, et surtout laïques. Comme nous avons eu déjà lieu de le remarquer, le protestantisme, en tant que corps officiel, reste emprisonné doublement dans le rempart national et dans la tradition autoritaire de ses ministres : le ton avec lequel M. le ministre Chantre dénonce les tendances des jeunes gens de Genève en est une nouvelle preuve. Ccs jeunes gens, dit-il, « émettront l'opinion que le protestantisme libéral n'est pas une religion, mais que le catholicisme, avec quelques abus, en est pourtant une ». En ce qui concerne le protestantisme libéral, ils sont d'accord avec ce qu'écrivait, il y a vingt-cinq ans, un ancien professeur de théologie

1 Alliance libérale de Genève, numéro du 2 mai 1885.

à Genève, aujourd'hui publiciste et homme politique en France, M. E. Scherer :

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Quand la critique aura renversé le surnaturel comme inutile et les dogmes comme irrationnels, quand il n'y aura plus d'autorité debout, quand l'homme, en un mot, ayant déchiré tous les voiles et pénétré tous les mystères, contemplera face à face le Dieu auquel il aspire, ne se trouvera-t-il pas que ce Dieu n'est autre que l'homme lui-même, la conscience et la raison de l'homme personnifiées? Et la religion, sous prétexte de devenir plus religieuse, n'aura-t-elle pas cessé d'exister 1? »

Et pourtant, à des jeunes gens, qui ont toute la fraîcheur d'une conscience droite et les élans généreux de l'âme, il faut une religion qui les sorte d'euxmêmes, les transporte dans les réalités de l'idéal, leur montre le domaine bien délimité et sacré de ce Dieu dont la souveraine majesté s'impose aux lumières de la raison. On n'est jamais mieux préparé que dans le jeune âge à recevoir la religion comme règle d'autorité divine absolue. Jusqu'à vingt ans on ne vit pour ainsi dire que d'autorité dans la famille, autorité paternelle; à l'école, autorité du maître; dans la société, autorité des anciens; dans la vie publique, autorité de l'État... et si l'on manque de respect à l'une ou à l'autre, la correction suit de près. Se pourrait-il que tous ces devoirs des relations du monde soient soumis à une règle si ferme et que, seul, le devoir envers Dieu fùt une chose de fantaisie? Non, et cela n'entre point dans un jeune esprit dont la droiture naturelle n'a pas été faussée par de déplorables

1 Revue des Deux Mondes, 15 mai 1861, p. 423.

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enseignements. Or, le catholicisme seul est cette religion où tout est sacré, inviolable, inflexible, où Dieu garde sa place de souverain maître, le fidèle celle de serviteur, recevant les ordres divins et ne les changeant pas à son gré... Le catholicisme est la religion qui se rapproche le plus de toute l'éducation humaine. Il n'est pas étonnant que son attrait charme les protestants et surtout les jeunes gens.

Mais on ajoute que « c'est une religion, avec quelques abus » Voilà le mot qui arrête sans doute bien des conversions et auquel il faut nous arrêter à notre tour.

Si, par abus, on désignait non pas un défaut de la religion elle-même, mais les défauts de ceux qui la pratiquent, il faudrait nous réjouir de nous les entendre reprocher, afin d'y trouver un motif de plus de nous en corriger. Nous ne savons que trop que les catholiques portent en eux, comme tous les hommes, les suites du péché originel et payent trop souvent leur tribut à l'infirmité humaine. Sous ce rapport nous sommes prêts à tous les aveux d'une sincère humilité; le Père Lacordaire nous donne ici l'exemple:

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« Vous verrez, n'en doutez pas aussi, écrit-il, vous verrez jusque dans l'Église de Dieu des abus se produire, des scandales paraitre. Jésus-Christ nous l'a prophétisé : « Il est nécessaire qu'il arrive des scanadales. La faiblesse humaine se fait jour partout, et les pécheurs eux-mêmes ont dans l'Église un droit de cité. La miséricorde divine ne les en a point bannis; elle a versé pour eux comme pour les justes des prières, des larmes et du sang. Ils sont les fils prodigues de l'amour, les héritiers du repentir, l'ombre qui accompagne la lumière et qui s'y transfigure à un mouvement de l'astre d'où elle sort. Pourquoi ne souffririons-nous

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