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annoncée par le prophète : « En tout lieu on sacrifie et l'on offre à mon nom une victime pure.» (MALACHIE, 1,11.) La créature, une fois immolée, a fourni tout ce qu'elle pouvait au sacrifice; car elle a été détruite, elle ne peut pas reprendre sa première existence pour être offerte une seconde fois et renouveler le sacrifice par une seconde destruction; c'est pourquoi il fallait, sous la Loi ancienne, la multiplicité des victimes : des bœufs, des génisses, des agneaux, des colombes, etc. Mais il n'en est plus de même, si la victime, au lieu d'être une simple créature, est divine; car, alors, la vie en elle est inépuisable, infinie : après qu'elle s'est offerte, sa valeur reste encore la même, et rien n'empêche qu'elle ne s'offre une deuxième, une troisième,... une millième fois, ou simultanément sur un nombre illimité d'autels, puisqu'elle possède toujours la même vie divine indestructible et que son sacrifice aura ainsi toujours et partout le même prix. Ces offrandes successives ne pourront pas, dans leur essence, différer de la première ni lui ajouter une valeur de plus; car, la vie qui a été immolée étant infinie et ayant été offerte totalement, son sacrifice aura un prix infini, et ce qui est infini ne peut pas être accru par de nouvelles adjonctions. Ainsi tout a été donné une seule fois de la part de la victime, qui, ayant offert l'infini, ne peut plus rien y ajouter, et tout a été reçu une seule fois de la part de Dieu, qui, ayant reçu l'offrande infinie, ne peut rien recevoir de plus grand. Le sacrifice de la victime pure offert en tout lieu ne sera donc que la continuation et la reproduction du sacrifice unique offert sur le Calvaire. Et pour que cette offrande se renouvelle réellement en tout lieu, avec le même prix qu'elle eut la première fois, que faudra-t-il? Il faudra et il suffira

que la divine victime, qui dispose librement d'ellemême, le veuille ainsi.

La même volonté souveraine qui a donné la vie sur la croix, en gardant « le pouvoir de la reprendre », l'a reprise en effet par la résurrection, la conserve entière, immortelle, et, par conséquent, peut l'offrir de nouveau sans fin pour en appliquer le mérite en particulier à toutes les générations successives et à chaque élu de Dieu; comme un roi qui aurait payé une somme unique, tout l'or de sa nation, pour la rançon d'une innombrable armée, et présenterait ensuite les soldats un à un au vainqueur en lui redisant : Je vous ai offert et je vous réitère la rançon pour celui-là en particulier. L'armée ainsi rachetée n'aurait certes pas à se plaindre de ce mode d'agir de son roi, car chaque homme se verrait l'objet d'une attention spéciale qui l'honorerait tout à la fois et lui rendrait sa libération comme plus authentique et plus personnelle. Le roi. semblerait dire à chacun de ses fidèles sujets : « Voyez combien votre vie m'est chère; pour vous je veux offrir et livrer tout l'or de mon royaume, fussiez-vous seul à racheter des mains de l'ennemi! » Assurément il serait plus gracieux d'être libéré ainsi individuellement que de l'être en masse confuse, sans cette présentation affectueuse du roi. Loin de se plaindre d'être obligé de paraître devant le roi ou son ministre pour participer à la rançon, le soldat compterait cet ordre pour une faveur insigne ajoutée à la munificence royale, et celui qui refuserait de venir s'incliner devant ce trône de la bonté passerait à juste titre pour un ingrat, indigne d'être admis au salut commun, dont le prix avait été pourtant payé pour lui comme pour les

autres.

Telle est, si cette comparaison trop imparfaite peut en aider l'intelligence, l'économie de la Rédemption de Jésus-Christ. Le sacrifice du Calvaire est la rançon unique et universelle; mais le Rédempteur, dans son ineffable bonté, veut l'appliquer lui-même à chacun de ses enfants individuellement, à la seule condition qu'ils s'approchent du trône de sa grâce avec un cœur docile et contrit pour demander le gage qui les mettra au nombre réel des rachetés. Et quel est ce gage? Il n'est autre que la personne même de l'Homme-Dieu crucifié, qui renouvelle son sacrifice avec toute la force de l'intention première, se replace sur les autels dans l'état de victime autant qu'il peut l'être sans mourir de nouveau, se donne en nourriture et en breuvage divin selon le sacrifice du pain et du vin figuré par Melchisedech, et demeure à la fois vivant et immolé au milieu des hommes, recevant comme Dieu leurs adorations et leur donnant comme victime le seul médiateur par lequel ils aient accès à la vie éternelle. Mystère profond, sans doute, mais éclairé de toutes les déclarations les plus formelles de JésusChrist lui-même, qui ne laissent place à aucune hésitation possible de la foi!

Devant les miséricordes qui nous sont offertes, nous n'avons pas à reviser nous-mêmes les plans et les desseins de Dieu; nous sommes les coupables, et ce n'est pas le coupable qui est appelé à régler les conditions de son pardon il n'a qu'à écouter les sentences du juge. C'est donc Dieu lui-même qu'il faut interroger. Pour savoir ce qu'il a voulu, comment il l'a voulu, comment il le réalise, il faut l'entendre parler. De nous-mêmes, nous n'aurions jamais imaginé que le moyen choisi pour nous racheter fût la mort ignomi

nieuse de la Croix; nous aurions dit : La plus petite satisfaction offerte par le Fils de Dieu incarné est d'un prix infini et suffit à laver tous les péchés du monde; Jésus-Christ se bornera donc à faire le strict nécessaire pour notre rédemption, et, à part cela, il aura une vie et une mort glorieuses, comme il convient à son infinie sainteté et à une personne divine. Et, de fait, c'est bien ainsi que les Juifs se représentaient le Messie attendu, ce qui les empêcha de le reconnaître dans l'humilité de sa vie. Combien les idées humaines sont courtes! Elles s'arrêtent timidement aux confins du suffisant, tandis que le Fils de Dieu veut donner toute la plénitude des satisfactions, épuiser le calice de douleur! « Je suis venu pour qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient plus abondamment1.» « Dieu, qui est riche en miséricorde, par le grand amour dont il nous a aimés, lorsque nous étions morts dans le péché, nous a vivifiés dans le Christ... pour manifester dans les siècles à venir les richesses abondantes de sa grâce.« Où la faute a abondé, la grâce à surabondé 3. »

Or, de même que notre pensée, dans ses plus hardies conceptions, n'aurait jamais osé s'arrêter à présumer que le sacrifice du Calvaire fût le moyen choisi de Dieu pour nous racheter, de même elle aurait bien moins encore soupçonné l'ineffable merveille par laquelle Jésus Christ a voulu continuer son sacrifice parmi nous jusqu'à la fin des siècles. C'est donc de Dieu seul que nous pouvions apprendre ces secrets de son amour; mais il nous les a révélés en termes si clairs, si précis, si affirmatifs, que nous n'avons plus qu'à nous prosterner

1 SAINT JEAN, X, 10.

• Éphés., 11, 47. 3 Rom., v, 20.

pour les adorer. Écoutons la première annonce qu'il en fait. Jésus vient de rassasier au désert, avec cinq pains et deux poissons, cinq mille hommes. Profitant de l'admiration produite en eux par cette merveille pour obtenir foi à de plus grands prodiges, il leur dit, dans la synagogue de Capharnaum :

« C'est moi qui suis le pain de vie.

« Vos pères ont mangé la manne dans le désert et

sont morts.

« Voici le pain qui descend du ciel, quelqu'un en mange, il ne meure point.

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« Je suis le pain vivant, moi qui suis descendu du ciel.

« Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde.

« Les Juifs donc disputaient entre eux, disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger?

« Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous.

« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.

« Car ma chair est vraiment nourriture, et mon sang est vraiment breuvage'. »

Telle est la promesse que nous fait celui qui se prépare à être la Victime volontaire du Calvaire. Qu'elle doive être prise à la lettre, et qu'elle signifie la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, les auditeurs mêmes de Jésus nous en

1 SAINT JEAN, ch. vi, v. 48 et suiv.

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