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fournissent doublement la preuve d'abord c'est ainsi qu'ils l'entendirent, et ils se demandèrent aussitôt comment un tel prodige pouvait s'opérer; ensuite Jésus, voyant qu'ils prennent ses paroles à la lettre, ne les détrompe point, mais au contraire insiste et répète : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. >> Alors une partie des disciples l'abandonnèrent, et « Jésus dit aux douze : Et vous, voulez-vous aussi vous en aller? Mais Simon Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous? Vous avez les paroles de la vie éternelle. Pour nous, nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu 1.

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Une partie des auditeurs de Jésus croient, et une autre partie ne croient pas; cependant les uns et les autres ont compris ses paroles de la même manière. Il ne faut donc pas être surpris qu'il y ait encore des incroyants dans le monde actuel; mais ce que l'on ne saurait admettre, c'est qu'ils refusent aux paroles de Jésus le sens d'une présence réelle de sa chair et de son sang dans l'hostie consacrée. S'ils n'ont pas la grâce de la foi, comme Simon Pierre et « les douze qu'ils se contentent de s'en aller comme les Capharnaïtes, et qu'ils ne cherchent du moins pas à travestir les paroles de Jésus! Une seule question à été faite à Capharnaum : « Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger? » Or, à cette question Jésus a répondu, non pas seulement par des explications, mais par un acte, par la réalisation même du fait qui était annoncé. C'est la plus simple et la plus décisive des réponses, car c'est une loi du sens commun que l'argu

1 SAINT JEAN, ch. vi. 70.

ment de fait prévaut contre tous les raisonnements. Voici donc ce grand fait, qui demeure pendant tous les siècles; il est raconté à la fois par trois évangélistes, saint Matthieu, saint Marc, saint Luc, et par l'apôtre saint Paul; la concordance des récits est établie ainsi :

« La veille de sa mort, immédiatement après la célé«bration du sacrifice pascal, Jésus prit du pain, rendit « des actions de grâces, le bénit, le rompit et le donna « à ses disciples, disant : Prenez et mangez, ceci est « mon corps, qui est donné pour vous. Faites ceci en « mémoire de moi. De la même manière, après le « souper, il prit la coupe, il rendit des actions de grâces et la fit passer à ses disciples, disant: Buvez« en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nou« velle alliance, qui sera répandu pour vous et pour plusieurs pour la rémission des péchés; et ils en « burent tous. »

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Donc, voilà la réponse de Jésus-Christ. Il donne sa chair à manger, en changeant le pain en son corps; il donne son sang à boire, en changeant le vin en son sang impossible de se méprendre sur le sens de ses paroles qui n'ont rien de figuré et qui, par conséquent, réalisent ce qu'elles expriment. Impossible de douter de la puissance du Sauveur pour opérer ce changement du pain et du vin en son corps et en son sang; car il est Dieu, et de même que d'un mot il a créé l'univers, de même il opère d'un mot le mystérieux changement de substance que l'Église appelle transsubstantiation. Il ne s'agit, en effet, que d'un changement de substance, c'est-à-dire de ce qui constitue la nature essentielle du pain en ce qui constitue la substance, la nature essentielle du corps. Il n'est pas nécesque l'apparence extérieure du pain soit changée.

saire

Jésus-Christ ne prend que la substance du pain et du vin, parce qu'il n'a besoin que de cela pour la réalité de sa présence substantielle dans l'hostie. Il conserve la couleur, la figure, le goût du pain et du vin, parce que tout cela contribuera même à caractériser davantage le but de sa présence dans l'Eucharistie, qui est de servir de nourriture et de breuvage. Enfin, c'est là surtout qu'il a voulu être le Dieu caché annoncé par Isaïe (XLV, 15): « Vous êtes vraiment un Dieu caché, Dieu sauveur d'Israël. » Nous n'oserions pas approcher nos lèvres de sa chair glorieuse, si elle n'était voilée sous la figure du pain. Il fallait donc mettre à l'épreuve ou notre foi en cachant la présence réelle de Jésus-Christ sous des apparences empruntées, ou toutes nos impressions naturelles en nous montrant là réalité telle qu'elle est entre les deux alternatives, la première, c'est-à-dire l'épreuve de la foi, était la plus facile pour nous, car l'homme commande plus aisément à sa foi qu'à ses impressions. Notre siècle est précisément un siècle de décadence religieuse parce qu'il est esclave d'émotions, d'impressions non raisonnées et non surmontées. Nous avons d'autres articles de foi que celui-là, et nous savons bien contraindre notre esprit à les croire, parce qu'il nous est prouvé que Dieu les a révélés : nous croyons à la Trinité des personnes en Dieu, parce que Dieu l'a dit; or il a dit plus clairement encore que la personne de l'Homme-Dieu est présente dans l'Eucharistie.

Aussi la foi de l'humanité chrétienne n'a pas hésité. Si Jésus-Christ lui a donné la preuve de fait de sa présence réelle en disant : Ceci est mon corps, ceci est mon sang, l'humanité a rendu, de son côté, la preuve de fait de sa foi, en croyant, en adorant, en recevant

son Sauveur, depuis les catacombes jusqu'à ce jour, comme les apôtres l'avaient reçu à la dernière cène. Les martyrs, avant d'affronter le supplice, allaient se fortifier par la communion du corps de Jésus-Christ; saint Cyprien nous a légué ce témoignage, qui était confirmé naguère par un éminent archéologue, M. Le Blant, à l'Institut de France. L'Eucharistie devient le centre de tout le culte de la religion chrétienne. Les liturgies de l'Orient, aussi bien que la liturgie romaine, attestent la transsubstantiation. La splendeur des cérémonies, les hymnes sacrées, l'encens, les vêtements symboliques des ministres du saint sacrifice, tout cela est le monument vivant de la foi à la présence réelle de Jésus-Christ dans le tabernacle de nos autels. Cette foi est l'inspiratrice des arts. L'Église a compris la pensée du Sauveur agréant les parfums que Madeleine répand à ses pieds et justifiant cette pieuse prodigalité contre les murmures avares de Judas. A la vue des magnificences du temple de Salomon qui n'abritait que l'ombre du nouveau culte, elle se demande ce que devrait être la richesse du sanctuaire habité par la divinité en personne; toutes les ressources humaines sont conviées à s'unir pour exalter le trône que Dieu s'est choisi parmi les hommes. Ces magnifiques cathédrales, qui semblent suivre la propagation de l'Évangile comme l'arche sainte suivait le peuple hébreu dans sa marche, ne sont-elles pas la proclamation de la foi des siècles à la présence réelle? Tout le christianisme converge à ce foyer de vie, et lorsque l'immortel Raphaël a voulu peindre les trois vertus théologales, il a représenté le personnage de la Foi tenant sur la main et fixant du regard un calice surmonté d'une hostie: la Foi, en effet, est toute là. Qui ne connaît cette incom

parable merveille du même pinceau, la Dispute du Saint Sacrement, au Vatican? L'Église triomphante du ciel et l'Église militante de la terre y sont superposées, ayant l'une et l'autre Jésus-Christ pour centre. Au-dessus apparaît le Christ glorieux, ayant à sa droite la sainte Vierge et entouré des chœurs des anges et des saints; au-dessous est placé, sur un autel, un ostensoir avec l'hostie consacrée, qui attire les regards et les adorations de toute l'humanité représentée à droite et à gauche. Cette seule disposition indique déjà que la présence de Jésus-Christ est aussi réelle sur l'autel qu'au ciel; la différence n'est que dans la manière d'être présent au ciel, visible et rayonnant; dans l'hostie, invisible aux yeux, mais parlant à la foi; et la réalité du ciel sert de garantie à la réalité de l'autel. C'était encore le temps où, selon la remarque de Vitet, « l'ancienne peinture italienne, les regards tournés vers le ciel, semblait n'être en ce monde que pour parler aux hommes des choses divines, pour faire comprendre et entrevoir, même à ceux qui ne savaient pas lire, la gloire de Dieu, les joies de l'infini1». Une page du dernier historien de Raphaël fera mieux comprendre tout ce qu'il y a de doctrine et de beauté dans cette œuvre du grand maître :

« L'animation qui règne dans la partie inférieure contraste avec le calme des régions célestes. On voit tour à tour vieillards et jeunes gens, personnages officiels et simples croyants, discuter avec feu ou écouter avec recueillement, enseigner avec autorité, ou bien chercher l'explication des mystères de la foi, les uns dans la science, les autres dans le texte des Écritures.

1 VITET, Études sur l'histoire de l'art, 3a série, p. 41.

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