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Pourquoi rejetez-vous de votre culte la « victime pure » qui doit « ètre offerte en tout lieu » ? Si vos ancêtres ont pu se laisser dépouiller, au premier instant de surprise, comment ne cherchez-vous pas après réflexion à revendiquer l'héritage perdu? Pouvez-vous douter encore que la messe ne soit le vrai sacrifice de la Nouvelle Alliance à laquelle vous appartenez, le sacrifice nécessaire pour offrir à Dieu des louanges, des expiations, des supplications et des propitiations dignes de lui et dignes de vous? Le Concile de Trente, résumant toute la tradition des siècles et la foi de l'Évangile, a parlé assez clairement pour convaincre tout esprit impartial :

« Quoique Notre-Seigneur dût s'offrir lui-même une fois à Dieu son Père, en mourant sur l'autel de la croix pour y opérer la rédemption éternelle; néanmoins, parce que son sacerdoce ne devait pas s'éteindre par la mort, dans la dernière cène, la nuit même qu'il fut livré, voulant laisser à l'Église, son Épouse, un sacrifice visible, tel que la nature des hommes le demande, et par lequel le sacrifice sanglant qui devait s'opérer sur la croix fût représenté, la mémoire s'en perpétuât jusqu'à la fin des siècles, et la vertu salutaire en fût appliquée pour la rémission des péchés que nous commettons tous les jours; se déclarant prêtre établi pour l'éternité selon l'ordre de Melchisedech, il offrit à Dieu le Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin, et les présenta, sous les apparences de ces mêmes espèces, aux apôtres qu'il établissait alors prêtres du Nouveau Testament; et par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, il leur donna, à eux et à leurs successeurs dans le sacerdoce, le pouvoir d'offrir son corps et son sang, ainsi que l'Église l'a

toujours entendu et enseigné : car, après avoir célébré l'ancienne Pâque, que l'assemblée des enfants d'Israël immolait en mémoire de la sortie d'Égypte, il établit la Pâque nouvelle, où il soit immolé par les prêtres au nom de l'Église, sous des signes visibles, en mémoire de son passage de ce monde à son Père, lorsqu'il nous a rachetés par l'effusion de son sang, qu'il nous a arrachés de la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans son royaume.

« C'est cette offrande pure, qui ne peut être souillée par l'indignité ni par la malice de ceux qui l'offrent, que le Seigneur a prédit par Malachie devoir être offerte en tout lieu à son nom, qui devait être glorifié parmi les nations. C'est de cette oblation que saint Paul parlait, lorsqu'il dit aux Corinthiens que ceux qui sont souillés par la participation de la table des démons ne peuvent participer à la table du Seigneur, prenant le nom de table pour l'autel dans l'un et l'autre endroit. C'est elle enfin qui, au temps de la nature et de la roi, était figurée par les anciens sacrifices, comme renfermant tous les biens dont elle est l'accomplissement et la perfection'.

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Saint Paul a pris soin de concilier dans l'esprit des fidèles l'unité du sacrifice du Calvaire avec la multiplicité ininterrompue de ce même sacrifice sur nos autels. Autant il insiste, dans l'Épître aux Hébreux, sur l'unique oblation faite une fois pour la rémission des péchés de la multitude, autant il insiste, dans d'autres Épîtres, sur la nécessité du sacrifice de la messe et de la participation à la victime pure qui s'y offre. Aux Corinthiens il rappelle en détail l'institution de

1 Concile de Trente, sess. XXII, c. 1.

l'Eucharistie, disant qu'il « l'a appris du Seigneur

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», et

il ajoute Toutes les fois que vous mangerez ce « pain et que vous boirez cette coupe, d'ici à l'avène<< ment du Seigneur, vous représenterez sa mort. Ainsi quiconque mangerait ce pain, ou boirait cette coupe indignement, se rendrait coupable du corps et du « sang du Seigneur. Que l'homme s'éprouve donc lui« même, et qu'après cette épreuve il mange de ce pain et boive de cette coupe; car celui qui mange << et boit d'une manière indigne, sans discerner le corps « du Seigneur, mange et boit son propre jugement'. Ce passage démontre parfaitement la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ sous les apparences du pain et du vin, même pour ceux qui communient indignement; autrement ils ne sauraient être coupables du corps et du sang de Jésus-Christ, ni être condamnés justement pour n'avoir pas discerné le corps du Seigneur.

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Ce même passage explique encore le sens des paroles de Jésus aux Capharnaïles incrédules, lors de la première promesse de l'Eucharistie : « C'est l'esprit, leur dit-il, qui vivifie; la chair ne sert de rien : les paroles que je viens de vous dire sont esprit et vie. » Jésus avait dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle »; mais « la chair ne sert de rien » si « l'esprit », c'est-à-dire la grâce, n'accompagne celui qui la reçoit au contraire, loin d'y puiser la vie, il y « mange et boit son jugement ». Les paroles sont esprit et vie » parce que c'est la parole même de Jésus-Christ qui, au sacrifice de la messe, change le pain en «< « esprit et vie », en la personne vivante du

1 I Cor., XI, 26.

Christ ressuscité. Par là aussi se réalise la parole du Sauveur à la Samaritaine : « Vient une heure, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Saint Jean, iv, 23.) Le sacrifice nouveau, par lequel les chrétiens devront exprimer leur adoration au Père, sera en effet un sacrifice véritable, et il ne peut être cela, un sacrifice « en vérité », que par la présence réelle de la « victime pure» dans l'Eucharistie. Autrement, ce ne serait qu'un sacrifice en figure, moindre que ceux de l'ancienne Loi.

La vérité du sacrifice de la messe est donc bien établie, et elle ne nuit pas à l'unité du sacrifice de la Croix. Ici encore la parole du Concile de Trente est lumineuse :

Lorsque, dans ce divin sacrifice qui s'accomplit à la messe, le même Christ qui s'est offert lui-même une fois sur l'autel de la Croix, avec effusion de son sang, est réellement présent et immolé d'une manière non sanglante, le saint Concile enseigne que ce sacrifice est véritablement propitiatoire, et que par lui nous obtenons miséricorde 'et nous trouvons grâce et secours en temps opportun, si nous nous approchons de Dieu contrits et pénitents, avec un cœur sincère, une foi droite, avec crainte et respect. Car Notre-Seigneur, apaisé par cette oblation, et accordant la grâce et le don de pénitence, remet la peine des crimes et des péchés, même les plus grands, puisque c'est la même et unique hostie, et que celui qui s'offre maintenant par le ministère des prêtres est le même qui s'est offert sur la Croix, la différence n'étant que dans la manière d'offrir. C'est par cette oblation non sanglante qu'on reçoit abondamment le fruit de l'oblation qui

que ce

s'est faite avec l'effusion du sang; tant s'en faut sacrifice déroge en aucune manière au sacrifice de la Croix. C'est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, on offre le sacrifice eucharistique non-seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres nécessités des fidèles qui sont encore vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts en Jésus-Christ, et qui ne sont pas encore entièrement justifiés '. »

Allons plus loin maintenant dans la contemplation du divin mystère qui s'accomplit sur l'autel. Pour qu'il y ait sacrifice, il faut une immolation, une destruction de la victime. Or, dans le sacrifice de la messe, JésusChrist, en vertu des paroles de la consécration, est mis dans une sorte d'anéantissement. S'il ne meurt pas réellement, puisqu'il est immortel, il revêt les conditions de la mort en passant de la vie glorieuse du ciel à l'état de pain et de vin, à l'état d'aliment pour l'homme. C'est sur cet anéantissement que repose la réalité du sacrifice eucharistique. Voici comment un éminent théologien contemporain, le cardinal Franzelin, développe cette sublime doctrine :

« Que l'on considère attentivement l'état dans lequel le Christ, souverain prêtre, se constitue comme victime, en plaçant, par la consécration, son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin. Voilà que le premier-né de toute créature, le chef de l'Église, celui qui tient la première place, se donne lui-même à l'Église, pour recevoir de ses prêtres un état où son Corps et son Sang, et tout lui-même, deviennent une véritable nourriture, un véritable breuvage; voilà qu'en vertu de cette transformation, le Christ perd toute faculté de produire

1 Concile de Trente, sess. XXII, ch. II.

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