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tous les chrétieus, et la donne pour mère au disciple? « Il dit à sa mère : Femme, voilà votre fils; et au disciple: Voilà votre mère.» (SAINT JEAN, XIX, 26.) Or, si les lois de la vérité esthétique exigent qu'un des premiers rayons de gloire soit placé sur la tête de Marie dans la poésie du christianisme, les lois de la vérité religieuse sont plus rigoureuses encore parce que la parole de Jésus-Christ a réellement mis au cœur de Marie sa Mère les plus tendres sollicitudes maternelles pour nous à nous donc aussi d'être des fils pieux et confiants, de répondre par tout l'éclat de nos hommages et la ferveur de nos prières à la sublime dignité et à la toute-puissance d'intercession de notre Mère du ciel! Si Marie est notre Mère, elle ne peut rien nous refuser; d'autre part, Jésus-Christ son Fils ne peut rien lui refuser; donc son intercession auprès de JésusChrist pour nous sera toute-puissante, ce que les saints docteurs appellent omnipotentia supplex.

La dévotion envers la sainte Vierge est un penchant naturel, comme un instinct de l'âme. M. Hurter a écrit dans l'Exposé des motifs de sa conversion : « Dès mes jeunes années, sans posséder une connaissance particulière de l'enseignement catholique au sujet de la Mère de Dieu, déjà je me sentais pénétré d'une inexprimable vénération pour elle. Je devinais en elle l'avocate du chrétien, et du fond de mon cœur je m'adressais à elle dans l'intimité de ma vie privée 1. »

1 La Semaine religieuse protestante de Genève, dans son numéro dn 10 juillet 1886, parlant de la situation des protestants à SaintGall, rapportait, avec dédain il est vrai, le fait suivant :

Un réformiste qui n'a pas de préjugés, c'est M. le pasteur Kambli, le très-libéral successeur du doyen Mayer dans la superbe église de Saint-Laurent. L'hiver dernier, après deux conférences

Il a fallu que les protestants fissent violence à leurs sentiments innės pour exclure de leurs prières et de leur culte la Reine des anges et des saints, la Consolatrice des affligés, le Secours des chrétiens. Cela est incompréhensible, ainsi que l'écrivait Mgr Mermillod dans son bel ouvrage sur la perpétuelle virginité de Marie : « Oh! il m'est difficile de croire que les hommes aiment à rabaisser une fille qui est la gloire de la famille humaine; que des femmes tressaillent d'aise quand elles outragent celle qui est leur honneur et leur modèle, que de prétendus chrétiens soient heureux de dépouiller de sa beauté la Mère du Sauveur! Ni ma foi, ni mon âme ne peuvent le comprendre! Je ne trouve qu'une solution, une seule qui m'explique ce mystère de haine. L'hérésie subit l'influence du père du mensonge, comme l'appelle le Livre Saint, elle participe à cette hostilité dont la persévérance serait inexplicable, si elle était seulement humaine 1. »

Pour leur excuse, les chefs du protestantisme ont imaginé une accusation: ils disent que les catholiques adorent la Vierge et les saints. Le catéchisme génevois du ministre Oltramare a, sur ce sujet, tout un long chapitre qui se termine par ces mots : « Ce culte est un outrage fait au Créateur, une sorte d'idolâtrie qui mène à l'oubli de Dieu. » Le catéchisme du ministre Chantre

va jusqu'à dire que « l'Église introduisit l'adoration

sur la vierge Marie, le brillant orateur, dans une péroraison émue, a salué le jour où le protestantisme, revenu à des idées plus artistiques, replacerait dans ses temples l'image de la Madone, comme symbole de cette éternelle virginité du cœur qui doit être la couronne et le charme de toute mère de famille.

La Vierge Marie, par l'abbé MERMILLOD. Genève, 1856.

des images» (p. 30). Or tout cela est la fausseté même. Le plus simple enfant catholique sait que nous n'adorons point la sainte Vierge, et que l'adoration est réservée à Dieu seul. Nous rendons à la Vierge un culte d'honneur au-dessus de tous les honneurs rendus aux saints, mais essentiellement différent du culte de Dieu et de Jésus-Christ, quoiqu'il s'y rattache comme à sa source. Et comment le culte de la Mère serait-il un «< outrage» pour le Fils? Quel est le fils qui pourrait jamais se sentir ou se dire outragé de l'honneur fait à sa mère, quand c'est précisément à cause de luimême que sa mère est honorée ? Il n'y a qu'à examiner les termes des prières et des louanges adressées à la sainte Vierge pour voir qu'elles se rapportent toutes, en dernière analyse, à son divin Fils. L'office de l'Église, qui est une des preuves de sa croyance, associe la Mère et le Fils dans ses supplications, mais en distinguant toujours les rangs et accentuant la diversité des hommages. L'office de la Nativité de Marie, par exemple, débute ainsi : « Célébrons la nativité de la B. V. Marie; adorons le Seigneur Jésus-Christ son Fils. » Celui de l'Immaculée Conception, de même : « Célébrons l'Immaculée Conception de la vierge Marie; adorons le Seigneur Jésus-Christ son Fils. » Celui de l'Assomption: «< Venez, adorons le Roi des rois, dont la Vierge Mère a été élevée en ce jour au plus haut du ciel. » Et ainsi de toutes les fêtes de la sainte Vierge partout l'adoration est expressément réservée à Jésus-Christ et à Dieu. Quant à l'« oubli de Dieu », dont parle M. Oltramare, il suffit de poser cette question: Qui conduit le plus à l'« oubli de Dieu », du protestantisme qui nie la divinité de Jésus-Christ, ou du catholicisme qui l'adore sur ses autels par le sacrifice de tous les

jours et le reçoit pieusement dans la sainte communion? Nous n'ajouterons qu'un mot sur les faveurs signalées obtenues de la sainte Vierge et les apparitions miraculeuses qui ont déterminé ce concours si magnifique aux sanctuaires célèbres, tels que ceux d'Einsiedeln, de Lourdes, etc. Sur ce point, les faits particuliers ne sont nullement imposés à la foi des fidèles, tant que l'Église n'a rien prononcé sur leur authenticité. Chacun est libre de prendre part à ces dévotions populaires ou de s'en abstenir. La seule chose qui s'impose à tous, c'est de reconnaître et d'honorer, dans la mesure prescrite par l'Église, les priviléges accordés en vertu de la Redemption à la sainte Vierge pour sa gloire et pour notre avantage.

Le culte des saints se justifie de même par l'éminente faveur dont ils jouissent auprès de Dieu. Nous les honorons comme les modèles de la vie chrétienue; et, pleins de confiance dans l'amour qu'ils nous portent du haut du ciel, nous invoquons hautement leur intercession. Qui pourrait croire, par exemple, que saint François de Sales se désintéresse au ciel de la conversion de Genève pour laquelle il a tant prié et pleuré du haut de la colline des Allinges, et ne présente pas à Dieu les prières que nous faisons encore dans ce but comme un écho prolongé des siennes? Le livre II des Macchabées (xv, 12-14) rapporte la vision dans laquelle Onias et Jérémie apparaissaient « priant pour le peuple et pour toute la ville sainte ». Or, si déjà avant l'accomplissement de la rédemption les âmes justes retenues dans les limbes priaient pour vivants, à combien plus forte raison prieront pour nous les saints qui voient maintenant Dieu dans sa gloire? La vénération des saints a pour conséquence nécessaire

les

216 LE PROTESTANTISME VU DE GENÈVE, EN 1886.

la vénération de leurs reliques et de leurs images. Les Actes des apôtres nous disent (v, 15) qu'on apportait les malades sur les places « afin que, Pierre venant, son ombre du moins couvrît quelqu'un d'eux et qu'ils fussent délivrés de leurs maladies », et (XIX, 11-12): << Dieu faisait par la main de Paul des miracles extraordinaires, au point que l'on mettait sur les malades. des mouchoirs et des tabliers qui avaient touché son corps, et ils étaient guéris de leurs maladies, et les esprits mauvais sortaient. » — Or, dit saint Cyrille de Jérusalem (Catech., XVIII, 16), si le linge de l'Apôtre et sa ceinture guérissaient les malades par leur seul « attouchement, combien plus devons-nous croire que « le Seigneur répand ses grâces par les corps des « saints. » A défaut des reliques, l'image nous donne le souvenir et comme un rapprochement des saints. C'est en vain que l'on objecterait la défense de Dieu. au peuple hébreu de se faire des images sculptées. On sait, par le contexte même, que cette défense ne concernait que des images représentant des idoles. Loin d'interdire les images, telles que le culte catholique les emploie, le Seigneur avait ordonné lui-même (Exode, xxv, 18) de placer sur le propitiatoire de l'arche « deux chérubins d'or battu tenant leurs ailes étendues et se regardant l'un l'autre » ; c'est par imitation de ce plan que les églises tant soit peu riches aiment à placer aux deux côtés du tabernacle de leur autel deux anges d'or agenouillés, figurant l'adoration perpétuelle de l'Eucharistie.

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