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LE SACERDOCE.

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CHAPITRE X

Nécessité d'un sacerdoce reconnue par tous les peuples. Le sacrifice est la fonction essentielle du sacerdoce. Prêtre médiateur entre Dieu et les hommes. Jésus-Christ médiateur unique, prêtres médiateurs par participation.

Unité

et multiplicité du médiateur répondant à unité et multiplicité du sacrifice. Institution du sacerdoce de la Nouvelle Alliance.

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Sa transmission par les évêques. — Obligation universelle de recourir au ministère du prêtre. Rôle du prêtre dans le monde. Sacerdoce perdu chez les protestants et les anglicans. Profanation du corps du Sauveur évitée. Luttes de l'Église pour garder la dignité et la pureté du prêtre. — La loi du célibat dès les premiers jours du sacerdoce. Sa nécessité et ses avantages. Vieux-catholiques allemands condamna nt M. Loyson.

Le sacrifice est l'acte essentiel de la religion. La charge d'offrir le sacrifice est une fonction sacrée, et la plus haute dignité qui puisse exister dans une société humaine. De même que tous les peuples ont eu leurs sacrifices, de même ils ont eu les ministres du sacrifice, ces hommes choisis qui portent généralement le nom de prêtres. Nulle part, en effet, on n'a pensé que le ministère sacerdotal pût être exercé sans une vocation spéciale, bien moins encore qu'il fût permis à chacun d'être son propre prêtre. Pas de société possible sans religion, pas de religion sans sacrifice, pas de sacrifice possible sans sacerdoce: tel est le sentiment unanime des peuples. «Que personne, dit Platon, n'ait chez soi d'autel particulier; mais lorsqu'on aura dessein de sacrifier, qu'on aille le faire aux temples publics; qu'on

remette les victimes entre les mains des prêtres et des prêtresses chargés spécialement de la pureté des sacrifices; qu'on prie soi-même avec eux, ainsi que ceux des assistants qui voudraient y joindre leurs prières. Les raisons qui nous déterminent à porter cette loi, sont qu'il n'est point aisé d'ériger des autels aux dieux, et que pour réussir dans une telle entreprise, il faut des lumières supérieures'. » Hérodote affirme que, chez les Perses, « il n'est point permis d'offrir un sacrifice sans mage ". Même croyance chez les Indiens, chez les Gaulois, au témoignagne d'Arrien et de Strabon.

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Et ce n'était pas simplement une mesure d'ordre public. Les druides, comme les aruspices romains, comme les mages ou les sacrificateurs de l'Inde, passaient pour investis d'un caractère sacré qui en faisait les interprètes autorisés de la divinité: « C'est par leur intermédiaire, dit Strabon en parlant des druides, que le peuple gaulois croit devoir demander au ciel les biens dont il a besoin, parce qu'il les considère comme messagers entre les dieux et les hommes 3. »

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Si la vérité, même avec ses altérations, s'affirme d'une manière si constante dans les cultes païens, ne la retrouverons-nous pas dans le culte du vrai Dieu? « La fonction du prêtre, dit saint Thomas, consiste à être médiateur entre Dieu et le peuple. » Le prêtre est médiateur en tant que, d'un côté, il transmet au peuple les dons et les grâces de Dieu, et, de l'autre, il représente devant Dieu le peuple, en offrant pour lui

1 PLATON, les Lois, vers la fio.

HÉRODOTE, lib. I, n. 132.

3 Lib. V, n. 31.

43, quæst. XXII, art. 1.

prières, actions de grâces et sacrifices, comme il est dit dans l'Épître aux Hébreux (x, 1, 4): « « Tout pontife, étant pris d'entre les hommes, est établi pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin qu'il offre des dons et des sacrifices pour les péchés... Or nul ne s'attribue à lui-même cet honneur, sinon celui qui est appelé de Dieu, comme Aaron. » Être prêtre de la religion chrétienne, c'est donc être, par vocation divine, médiateur entre le ciel et la terre, c'est être appelé à réconcilier la créature au créateur. Or, pour que la réconciliation se fasse, il faut que le péché soit expié, et le péché ne peut être expié que par le sacrifice; le prêtre est donc essentiellement le ministre du sacrifice c'est même du mot sacrifice qu'est tiré le mot sacerdoce. C'est pourquoi le protestantisme, après avoir aboli le sacrifice de la Loi de Jésus-Christ, a été amené par une inévitable conséquence à abolir le sacerdoce. Si les diverses Églises protestantes conservent des ministres auxquels est même donné le nom de prêtres, comme en Angleterre, ce n'est plus là le vrai sacerdoce ce n'est qu'une nécessité d'administration et d'enseignement. Ils ne se reconnaissent pas eux-mêmes prêtres, dans le sens traditionnel du mot; ils enseignent que le protestant ne doit avoir d'autre prêtre que soi-même.

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Un panégyriste de l'Église anglicane, le docteur Gäbler, dit : « Il y a des esprits qui se scandalisent de ce qu'il y ait des prêtres dans l'Église anglicane, comme dans l'Église romaine. Sans doute, nous devons rejeter comme prètres des hommes qui prétendent s'interposer en qualité de médiateurs entre Dieu et les

1 La liturgie et les trente-neuf articles, p. 17.

hommes; mais tels ne sont pas les prêtres de l'Église anglicane. L'évêque de Londres a répondu d'une manière suffisante à cet égard, dans sa lettre du 8 octobre 1842... Quant à ce qui est de notre sacerdoce, faites attention que nous ne nous attribuons pas le caractère de médiateur entre Dieu et les hommes. »

Ici encore nous nous retrouvons devant une merveille de la sagesse divine, semblable à celle que nous avons admirée dans le sacrifice. Jésus-Christ a su concilier l'unité du sacrifice du Calvaire avec la multiplicité des sacrifices offerts en tout lieu; il a concilié de même l'unité du médiateur en sa personne divine avec la multiplicité des médiateurs dans la personne des prêtres, établis en tous lieux.

Et comme l'apôtre saint Paul, qui a le plus énergiquement affirmé l'unité du sacrifice, est aussi celui qui a le plus abondamment raconté l'institution du sacrifice de la messe, c'est encore le même apôtre qui s'applique à montrer la divine harmonie du souverain médiateur unique et des médiateurs du sacerdoce qui le représentent sur la terre. Les textes seraient trop longs à citer on peut les lire surtout aux chapitres VIII et Ix de l'Épître aux Hébreux. Saint Paul y établit ainsi la doctrine : Il n'y a pas deux sacerdoces, comme il n'y a pas deux sacrifices pour les péchés. Un seul sacrifice a racheté le monde une fois pour toutes, et il continue à être offert sans interruption dans le ciel et sur la terre dans le ciel par l'unique prêtre « devant la face de Dieu » et sur la terre par cette chaîne immense et ininterrompue de prêtres qui sont ses ministres et participent à son sacerdoce. Ils participent à ce sacerdoce non pas seulement en figure, mais en réalité, de même que le sacrifice qu'ils offrent

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n'est pas seulement figuratif, mais le sacrifice du vrai corps et du vrai sang de Jésus-Christ, réellement et substantiellement présents sur l'autel et offerts de leurs propres mains à la divine Majesté. Le sacerdoce de l'ancienne Loi était une ombre; le sacerdoce de la nouvelle Loi est la réalité : il a reçu son accomplissement dans le seul prêtre et le seul sacrifice qui sont perpétués sur terre par les prêtres unis avec lui.

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Il n'y a donc qu'un Dieu, dit l'Apôtre (I Timoth.), il n'y a qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s'est livré lui-même pour la rédemption de tous. Cette doctrine du médiateur unique se reproduit cent fois dans les Saintes Écritures. Le Christ est appelé l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde; comme la mort est entrée dans le monde par un seul, la rédemption y est entrée aussi par un seul. Ainsi Jésus-Christ est le médiateur unique entre Dieu et les hommes; hors de lui, il n'y en a pas d'autre, «car nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes, par lequel nous devions être sauvés1». Médiateur et prêtre ont ici la même signification; Jésus-Christ est le prêtre éternel, le seul à qui le sacerdoce, c'est-à-dire la fonction, la puissance et la dignité sacerdotales appartiennent de droit absolu et pleinement; hors de lui, il n'y aura qu'une participation à son sacerdoce, comme l'enseigne saint Thomas. Les prêtres de la terre représentent le prêtre du ciel et ne tirent que de lui leur puissance, leur autorité, l'efficacité de leur ministère. L'Épître aux Hébreux affirme et prouve d'un bout à l'autre que le sacerdoce lévitique était la figure du sacerdoce futur du Christ; et mainte

1 Actes des apôtres, IV, 12.

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