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une œuvre satisfactoire à accomplir. Cette pénitence sacramentelle n'est point toute la peine due au péché, peine dont Dieu seul connaît la juste mesure; elle n'est en quelque sorte que les arrhes que le pécheur offre à Dieu en signe de sa volonté d'accepter tout le châtiment mérité. Le pécheur pardonné demeure obligé de satisfaire à la justice de Dieu, ou par le mérite des bonnes œuvres en ce monde, ou par les souffrances du purgatoire après la mort. Cependant il peut racheter sa dette en ajoutant à ses mérites personnels ceux de Jésus-Christ et des saints. Les satisfactions offertes à Dieu par Jésus-Christ, pendant sa vie et sur le Calvaire, sont d'un prix infini. Les satisfactions offertes par les grands saints surpassent de beaucoup les expiations qu'ils devaient pour leurs fautes. Tous ces mérites réunis forment dans la famille chrétienne comme un fonds disponible, où le pauvre vient emprunter du riche. Jésus-Christ a voulu établir cette communication de biens spirituels entre les fils de son Eglise, et il a confié la garde du trésor au successeur de Pierre, à qui sont données « les clefs du royaume des cieux ». Le Pape règle donc les conditions de l'emprunt au trésor public, et ce que chacun peut emporter, en se soumettant à ces conditions, est une indulgence, ou plénière ou partielle, c'est-à-dire capable d'éteindre toute sa dette de satisfaction ou une part seulement. Quoi de plus simple et de plus conforme à la fraternité évangélique! Voilà le socialisme idéal! Comment donc notre siècle, qui ne parle que de solidarité humaine, pourrait-il repousser cette belle doctrine des indulgences?

« Il n'y a cependant pas de père de famille protestant, a dit Joseph de Maistre, qui n'ait accordé des indulgences chez lui, qui n'ait pardonné à un enfant

punissable par l'intercession et par les mérites d'un autre enfant dont il a lieu d'être content. Il n'y a pas de souverain protestant qui n'ait signé cinquante indulgences pendant son règne, en accordant un emploi, en remettant ou commuant une peine, etc., par les mérites des pères, des frères, des fils, des parents ou des ancêtres. Ce principe est si général et si naturel qu'il se montre à tout moment dans les moindres actes de la justice humaine. Vous avez ri mille fois de la sotte balance qu'Homère a mise dans les mains de son Jupiter, apparemment pour le rendre ridicule. Le christianisme nous montre bien une autre balance. D'un côté tous les crimes, de l'autre toutes les satisfactions; de ce côté les bonnes œuvres de tous les hommes, le sang des martyrs, les sacrifices et les larmes de l'innocence s'accumulent sans relâche pour faire équilibre au mal qui, depuis l'origine des choses, verse dans l'autre bassin ses flots empoisonnés. Il faut qu'à la fin le salut l'emporte, et pour accélérer cette œuvre universelle, dont l'attente fait gémir tous les êtres (Rom., VIII, 22), il suffit que l'homme veuille. Non-seulement il jouit de ses propres mérites, mais les satisfactions étrangères lui sont imputées par la justice éternelle, pourvu qu'il l'ait voulu et qu'il se soit rendu digne de cette réversibilité. Nos frères séparés nous ont contesté ce principe, comme si la rédemption qu'ils adorent avec nous était autre chose qu'une grande indulgence, accordée au genre humain par les mérites infinis de l'innocence par excellence, volontairement immolée pour lui! Faites sur ce point une observation bien importante: l'homme qui est fils de la vérité est si bien fait pour la vérité, qu'il ne peut être trompé que par la vérité corrompue ou mal interprétée. Ils

n'avons

ont dit : L'Homme-Dieu a payé pour nous, donc nous pas besoin d'autres mérites; il fallait dire : Donc les mérites de l'innocent peuvent servir au coupable. Comme la rédemption n'est qu'une grande indulgence, l'indulgence, à son tour, n'est qu'une rédemption diminuée. La disproportion est immense, sans doute, mais le principe est le même, et l'analogie incontestable.

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Quel superbe tableau que celui de cette immense cité des esprits avec ses trois ordres toujours en rapport! Le monde qui combat présente une main au monde qui souffre et saisit de l'autre celle du monde qui triomphe. L'action de grâce, la prière, les satisfactions, les secours, les inspirations, la foi, l'espérance et l'amour circulent de l'un à l'autre, comme des fleuves bienfaisants. Rien n'est isolé, et les esprits, comme les lames d'un faisceau aimantė, jouissent de leurs propres forces et de celles de tous les autres.

« Et quelle belle loi encore que celle qui a mis deux conditions indispensables à toute indulgence ou rédemption secondaire mérite surabondant d'un côté, bonnes œuvres prescrites et pureté de conscience de l'autre ! Sans l'œuvre méritoire, sans l'état de grâce, point de rémission par les mérites de l'innocence. Quelle noble émulation pour la vertu! Quel avertissement et quel encouragement pour le coupable 1!

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Les prétendus abus sur lesquels Luther voulut étayer sa révolte sont une de ces embûches de l'histoire qui fourniront de la matière à discussion tant que l'Église comptera des adversaires. Mais la lumière est faite, et les intelligences droites ne s'y trompent point. L'indul

1 Soirées de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 163.

gence, pas plus que la confession, n'est un oreiller de paresse. Le salut ne cesse pas d'être l'affaire exclusivement personnelle de chacun; car rien n'est accordé qu'aux efforts de l'homme, soit qu'il mérite par luimême, soit qu'il s'approprie les œuvres des autres.

Puisque nous avons commencé ce chapitre par le témoignage d'un théologien philosophe de Genève, terminons-le par un autre non moins remarquable. Leibnitz dit dans son Système théologique :

« L'institution de la confession sacramentelle est digne assurément de la sagesse divine, et, de tous les dogmes de la religion, c'est le plus louable et le plus beau. La nécessité de confesser un péché suffit pour en préserver ceux qui ont encore de la pudeur; et pourtant, si quelques-uns succombent, la confession les console et les relève. Oui, je regarde un confesseur grave et prudent comme un grand instrument de Dieu pour le salut des âmes. Les conseils règlent les sentiments, réprimandent les vices, éloignent les occasions du péché, font restituer le bien mal acquis et réparer les torts, éclaircissent les doutes, consolent dans les afflictions, guérissent enfin ou soulagent tous les maux de l'âme; et puisque rien n'est plus précieux dans le monde qu'un ami fidèle, quel est donc le prix de cet ami, obligé par ses fonctions, rendu apte par ses connaissances, à vous consacrer tous ses soins et sous le sceau du plus inviolable secret! »

L'ÉGLISE.

CHAPITRE XII

Thèse de M. Ernest Naville: Ou Jésus-Christ n'a

point organisé d'Église, ou l'Église catholique est celle qu'il a organisée. Fait historique de l'établissement de l'Église par Jésus-Christ. Impossibilité d'une égalité de droits entre les sectes et l'Église. · La grâce manque où la vérité n'est pas. Certitude nécessaire à la foi. Certitude donnée l'auto

-

par

rité extérieure de l'Église. Démonstration de Mgr Manning. Insuffisance de la Bible seule pour la certitude de la foi. Traduction récente de la Bible pour le centenaire de Luther : plaintes des consistoires de l'Allemagne. Efforts de l'Angleterre pour revenir à l'interprétation de la Bible par une autorité. Infaillibilité de l'Église. Voix de Dieu entendue

par

l'or

gane de l'Église. Vigilance de l'Église pour garder l'intégrité de la Bible. Lecture de la Bible en langue vulgaire permise. Règle de foi de saint Vincent de Lérins. bibliques cités par les adversaires de l'Église.

Piége des textes

C'est encore M. Ernest Naville qui va nous introduire dans cette grande question de l'Église. En passant par la plume d'un jeune théologien sortant de la Faculté de Genève, cet exposé aura l'avantage d'inspirer toute confiance aux lecteurs protestants :

« Christ a promis d'être toujours avec son Église. Il remplit sa promesse; et les fidèles, s'ils ne peuvent plus le contempler dans son corps mortel, peuvent toujours s'unir à lui, et trouver dans cette union la paix et le bonheur de leur âme. Cette union ne peut se consommer que sous des conditions extérieures, et, dans la société des fidèles, par le moyen des ministres que

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