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ture à sa manière, il y aurait bientôt autant de religions que de têtes, chaque individu, abandonné à luimême, entendant le texte sacré différemment. Il est donc nécessaire que l'Église catholique intervienne pour indiquer le sens véritable de la parole de Dieu. Le mot catholique signifie universel; la foi catholique est donc celle qui, depuis l'origine du christianisme, a été suivie universellement, c'est-àdire partout et par tous. Lorsque donc il arrive qu'un docteur, ou qu'un petit nombre de chrétiens se détachent du corps commun de l'Église pour former une Église à part, une secte, il est du devoir de tout bon catholique de sauvegarder la vie et la santé du corps de l'Église en y restant fermement attaché. Les grands débats qui peuvent survenir sont jugés et définis par les Conciles œcuméniques : c'est là que les chrétiens apprennent à distinguer la vérité de l'erreur. Mais, direz-vous, pourquoi Dieu permet-il que des grands s'égarent et qu'ils entraînent avec eux dans l'égarement des milliers d'âmes? Moïse va nous fournir la réponse à cette question (1. V, 13): « N'écoutez pas, dit-il, les paroles des prophètes qui enseignent autre « chose que la Loi; car le Seigneur votre Dieu vent par <«<eux vous mettre à l'épreuve, pour voir si vous l'aimez « ou non de tout votre cœur et de toute votre âme. » Le vrai catholique est donc celui qui aime réellement la vérité de Dieu, l'Église, le corps entier de JésusChrist, et qui reste fidèlement et fermement attaché à l'enseignement catholique, malgré la renommée, la science, l'éloquence, l'argumentation subtile de ses adversaires, et malgré les liens d'amitié qui pourraient l'attacher à eux. Le vrai catholique est celui qui regarde non comme une religion, mais comme une tentation,

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tout ce qui est nouveau. L'apôtre saint Paul écrivait déjà (I Cor., II, 19) : « Il faut qu'il y ait « des hérésies, afin que les vrais croyants soient réa vélés... »

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<< Que les catholiques ne se laissent pas induire en erreur par les textes bibliques, que les hérétiques citent et expliquent à leur manière. Ils ont pour babitude de dorer leurs pilules empoisonnées et nauséabondes avec un vernis emprunté à la parole de Dieu pour séduire les faibles. Les apôtres du mensonge imitent en ceci leur père Satan. Quand ce dernier tenta le Christ pour le faire tomber dans le péché, il dit jusqu'à trois fois : « Il est écrit! » De même les hérétiques, quand ils veulent altérer la foi d'un chrétien catholique, lui répètent à satiété ses mots : « Il « est écrit. »

<< Mais si les hérétiques se servent du texte sacré des Écritures pour propager l'erreur, que doivent faire les catholiques pour distinguer l'interprétation vraie de la fausse? Ils doivent entendre l'Écriture selon le sens des traditions de l'Église catholique : c'est-à-dire qu'ils doivent s'en tenir scrupuleusement à la doctrine établie par les Pères des Conciles, qui étaient des martyrs ou des confesseurs, tous des prêtres catholiques pieux et zélés pour la foi. »

Par là s'explique le soin que l'Eglise a toujours pris non-seulement d'établir l'authenticité des livres de la Bible et d'en assurer l'intégrité, comme elle l'a fait au Concile de Trente, mais encore de veiller à ce que les fidèles ne soient pas induits en erreur par la lecture de ce livre divin. Elle sait que les Saintes Écritures « renferment quantité de choses difficiles à comprendre, que des hommes ignorants et légers détournent en de

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mauvais sens pour leur propre ruine1» ; afin de diminuer ce danger, elle a établi des règles pour la lecture de la Bible en langue vulgaire. Sachant qu'il faut y apporter des connaissances et une piété suffisantes, elle a décidé qu'une traduction de la Bible devait être approuvée des supérieurs ecclésiastiques et pourvue d'éclaircissements autorisés ; par cette sage mesure, l'Église n'a point voulu frustrer les fidèles de la parole de Dieu, comme on l'en accuse, car son plus grand désir est que tous la connaissent et la méditent assidûment; elle a voulu seulement les mettre en garde contre les Bibles falsifiées que la mauvaise foi offre souvent à l'ignorance, et, en prévenant les explications fautives, s'opposer à la naissance des sectes et des bérésies.

Et si l'on fait à l'Église un reproche de sa vigilance, si on l'appelle intolérante, exclusive; si, pour ce motif, on craint de s'y trouver à l'étroit; si la pensée redoute de se sentir captive et de ne pouvoir prendre son essor, ce sont là de vaines frayeurs qu'une voix éloquente entre toutes a dissipées d'un accent vainqueur, qui sera le dernier mot de ces considérations déjà longues':

« Vous devez donc croire à l'Église. C'est cette foi qui vous séparera de l'esprit de schisme et d'hérésie. C'est elle aussi qui vous rendra maître de votre intelligence, maître du monde et du génie humain. Car, vous le saurez un jour mieux qu'aujourd'hui, l'intelligence de l'homme est faible contre elle-même, et plus faible encore contre le monde et l'ascendant de la supériorité. Si vous ne croyez pas fermement à

1 II SAINT PIERRE, III, 16.

* Celle de Glaire est approuvée.

3 LACORDAIRE, OEuvres, t. IV, p. 323.

280 LE PROTESTANTISME VU DE GENÈVE, EN 1886.

l'Église, vous croirez en vous, et si vous croyez en vous, vous croirez au premier venu qui aura plus de science ou de talent que vous-même.

« La servitude des esprits, en dehors de l'Église, est horrible à penser. C'est Jésus-Christ seul qui, par l'Église, délivre les esprits, et le plus profond cri de liberté qui ait jamais été poussé dans le monde est celui-ci Je crois à la sainte Église catholique.

:

« De même que la société civile, bien ordonnée, délivre les hommes de l'injustice, l'Église délivre les esprits de l'erreur. La société civile est la mère du droit, l'Église est la mère de la vérité. Qui sort de la société civile devient tyran ou victime; qui sort de l'Église devient esclave ou dominateur de la pensée d'autrui. Répétez-le donc du fond de votre âme, ce grand cri de l'affranchissement des âmes: Je crois à la sainte Église catholique! C'est-à-dire, je crois à la société que Dieu a fondée dans la lumière et l'amour; je crois librement à Dieu présent dans l'Église par son Esprit, pour ne pas croire aveuglément aux hommes et à leurs inventions; je crois à la vérité socialement promulguée et enseignée, pour ne pas croire à l'erreur conçue et propagée personnellement; je crois aux rivages de la mer, pour ne pas errer sans espoir dans son immensité. »

CHAPITRE XIII

LES ORIGINES DU PROTESTANTISME. prédication des indulgences.

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Erreurs de Luther avant la

La justification par la foi seule;

querelles à ce sujet. Pharisaïsme de la foi, témoignage de Vinet sur la nécessité des œuvres. Démoralisation populaire après la Réforme. Angoisses de Luther au sujet de son œuvre. Le ton de ses polémiques. Remords et désespoir final. Action du bras séculier pour imposer la réforme et proscrire le catholicisme. Même procédé contre les anabaptistes. Introduction violente du protestantisme à Zurich, à Berne, à Genève et dans le canton de Vaud. — Régime de Calvin à Genève. Ignorance de l'histoire du protestantisme. Luther condamné les universités de son temps. par

fondu par Bossuet. livres catholiques.

Protestantisme con

Précautions prises contre la lecture des

Les dogmes de la foi catholique étant si beaux et établis sur des preuves de crédibilité si convaincantes pour la raison, comment expliquera-t-on que tant d'esprits refusent leur adhésion à cette foi et que ceux qui la possédaient l'aient abandonnée au seizième siècle? La réponse à la première question est déjà faite : Nos frères séparés ne reviennent pas à la foi de l'Église parce qu'elle leur a été présentée travestie et défigurée dans leur éducation religieuse, et que, parvenus à la maturité de l'âge, ils n'ont plus le temps ou plus le goût de recommencer l'étude de ces graves problèmes. La réponse à la seconde question se trouvera dans une rapide esquisse historique des origines du protestantisme.

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