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raison et ses faciles méprises, avec l'orgueil trompeur d'une science qui se croit aisément incapable d'erreur; il faudrait ignorer la pente secrète du cœur vers des doctrines qui n'imposent pas de renoncement et l'influence puissante des exemples, de la foule, pour ne pas trembler, pour ne pas hésiter. J'estime qu'il y a beaucoup de légèreté à fermer les yeux sur ces écueils et à ne savoir que vanter les priviléges de la liberté sans en signaler les périls. Et qu'il me soit permis de le dire en passant, je crains que nous-mêmes nous n'ayons pas assez le sentiment des risques sérieux que nous courons, quand nous nous mêlons à la diversité et aux contradictions des opinions humaines, et que nous n'apportions pas assez de saint tremblement et de prières dans nos études'. »

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Dans cet avertissement, M. Bois exprime la crainte de voir ses fidèles conduits trop loin par le libre examen, poussés vers des terres nouvelles ou anciennes », c'est-à-dire vers le catholicisme. Nous y plaçons, au contraire, la crainte qu'ils ne soient pas conduits assez loin et ne s'arrêtent à ces << influences diverses qui nous enveloppent de toutes parts, siècle, pays, race, famille, Église, tempérament individuel ».

Apolphe Monod intitule un de ses discours : Êtesvous chrétien? Il prend pour texte la parole de saint Paul (II Cor, XIII, 5) : « Examinez vous vous-même pour voir si vous êtes dans la foi », et il débute ainsi : « Êtes-vous dans la foi? Entrez dans cet examen, chacun pour lui-même, et comme s'il était seul au monde... Il y va de votre éternité. Car il est écrit : «Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui

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ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » (SAINT JEAN, III, 36.)... Le premier examen que provoque cette question : « Êtes-vous dans la foi? » porte sur la doctrine à croire; aussi bien nul ne peut être sauvé que par vérité. Cette vérité, la recevez-vous? avez-vous la foi en Jésus-Christ? Le témoignage que l'Écriture rend de Jésus-Christ, et que Jésus-Christ a rendu de lui-même, le croyez-vous tout simplement, tel qu'il est, sans l'effacer par vos explications?... "

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Telle est la question que je voudrais faire retentir au cœur de tous les protestants, et, pour qu'elle soit mieux reçue, j'en emprunte la forme à un ministre protestant. Je voudrais qu'ils eussent sous les yeux le discours du même ministre intitulé « Trop tard, ou Dieu fidèle en ses menaces » et prenant pour texte : « Si vous ne vous convertissez, vous périrez tous également. » (SAINT LUC, XIII, 5.) « Périr, dit-il, selon les Écritures, c'est demeurer sous « la malédiction de Dieu » ; c'est « aller au feu éternel préparé au diable et à ses anges », c'est être livré « au feu qui ne s'éteint point; c'est hériter, au lieu de la vie éternelle, « de la colère à venir. » Puis, insistant sur la fidélité de Dieu en ses menaces, à laquelle il faut croire aussi fortement qu'à la fidélité en ses promesses, l'orateur détruit l'objection disant que « Dieu est trop bon pour traiter ses créatures avec tant de rigueur; qu'on ne peut pas se perdre en faisant comme tout le monde; qu'il ne dépend pas de nous de croire et de nous convertir » . « Je pourrais vous répondre, dit-il, par les raisons les plus fortes. Si Dieu est bon, il est saint aussi; sa sainteté réclame une sanction pour sa loi; et ce serait se moquer que d'abandonner cette sanction au jugement

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intéressé du pécheur... C'est Jésus-Christ qui parle, lui, la vérité, la sainteté, la charité même si vous ne le croyez pas, qui croirez-vous?» Donc il faut entendre la parole de Jésus-Christ et s'y soumettre. « Prenez-la, conclut M. Monod, telle quelle, sans vos commentaires, sans les miens, terrible qu'elle est, mais vraie qu'elle est, mais miséricordieuse qu'elle est, et qui ne vous trouble que pour vous sauver. Prenez-la tout simplement, tout naturellement, comme un enfant, craignant moins de l'exagérer que de l'atténuer, et vous méfiant de tout ce qui ressemble, même de loin, au sifflement « Vous ne mourrez incessant de l'ancien serpent nullement. » Prenez-la, sans vous tourmenter des moyens à employer pour vous convertir si votre cœur est droit, vous les trouverez; allez seulement, Dieu vous conduira.

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Ailleurs le même ministre s'adresse spécialement aux femmes et leur demande, outre la crainte pour leur propre salut, le zèle pour le salut du prochain :

« Mes chères sœurs, le premier secours que l'homme est en droit d'attendre de vous est un secours spirituel. C'est peu qu'il vous doive la consolation de cette vie d'un jour, s'il ne vous doit, autant qu'il est en vous, la possession d'une vie éternelle. Non-seulement la vraje charité vous le demande, celle qui subordonne le temps à l'éternité; mais la justice elle-même vous y oblige. Votre sexe a un tort originel à réparer envers le nôtre, et un tort spirituel... Eh bien! s'il n'en est aucune de vous qui n'ait été une Ève pour l'homme, qu'il n'y en ait aucune aussi qui ne soit une Marie et qui ne lui donne le Sauveur! Voilà, voilà votre tâche. Que si vous n'y répondez pas, eussiez-vous passé votre vie entière dans les exercices de la bienfaisance, votre

vocation sera manquée; et après avoir été saluée par les hommes du nom de femme de bien, de diaconesse, de sœur de charité, vous ne serez devant Dieu «< qu'un airain qui sonne et une cymbale qui retentit 1. »

Il est facile de voir que tous ces appels, très-éloquents, ne s'adressent qu'au sentiment. Il n'est pas question de la vérité. Il semble qu'on veuille réchauffer le cœur, sans trop éclairer l'esprit. Et pourtant c'est la vérité qui doit être la base nécessaire de toute vie religieuse. Or, voici un autre ministre protestant célèbre qui trace le tableau de l'indifférentisme sur cette question capitale. Il place ce langage dans la bouche des indifférents : « La seule vérité, ce sont les convictions; ce qu'un homme croit est pour lui la vérité; il n'y a de réel que cela; il est bon que chacun s'attache à sa propre conviction et se règle sur elle. Il est vrai qu'entourés d'un ordre de choses religieux qui est devenu, par le laps des temps, loi, coutume, convenance du pays où nous vivons, nous jugeons à propos de nous y conformer pour l'extérieur, et cela nous coûte peu. Nous n'irons pas engager notre repos et celui du monde pour une simple idée... Nous ferons donc bénir nos mariages, baptiser nos enfants, ensevelir nos morts, suivant les rites de l'Église où le destin nous a fait naître. Si cela ne sert pas, cela ne nuit pas non plus; ou plutôt cela sert sans doute, puisque cela contribue à la paix '. »

Après avoir exposé ce qui est, dit-il, « la pensée de Ponce Pilate et de tous les indifférents », Vinet la réfute ainsi :

1 La Mission de la femme, p. 35 (Adolphe MONOD). VINET, Nouvelles Études évangéliques, p. 78.

« La vérité et la vertu, qu'on cherche à diviser, ne sont en principe qu'une même chose... Coupez le nœud vivant par où la vertu tient à la vérité, s'en abreuve, s'en nourrit, la vertu n'est plus qu'un instinct moral, très-facile à dénatnrer, une vague tradition qui, délayée, s'affadit, se décolore et s'efface.......

<< Il serait absurde d'affecter, à côté de l'indifférence pour la vérité, quelque intérêt pour les intérêts de Dieu. Dieu n'est-il pas, en effet, compris tout entier dans cette vérité qu'on méprise?... L'indifférence pour la vérité est l'indifférence pour Dieu même; car d'un côté elle refuse de le connaître, de l'autre elle se dispense d'aimer ce qu'il aime, de défendre ce qu'il défend, de choisir ce qu'il préfère. Transportez-vous par la pensée devant le trône du jugement. Contemplez, à la lumière de l'Évangile, la scène du dernier jour... Dieu a dit qu'il faut être né de nouveau pour avoir accès dans son royaume, et les indifférents sont demeurés toute leur vie dans les langes impurs du vieil homme. Et ils y sont volontairement restés; et ils n'ont pas même été hommes nouveaux par le désir; et ils n'ont pas même appartenu à la vérité par l'amour de la vérité; et, bien loin d'avoir brisé les chaînes honteuses de l'erreur et du péché, ils ne les ont pas même senties! Dieu est un Dieu jaloux, pour qui la neutralité même est une injure 1. »

Déjà l'on entrevoit dans cette page vigoureuse une réponse à la maxime courante : Toutes les religions sont bonnes pourvu qu'on les pratique! Mais j'aime y joindre une réponse plus directe encore; je la trouve dans un de ces tracts si abondamment répandus par

1 VINET, Nouvelles Études évangéliques, p. 87, 89.

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