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les sociétés de propagande protestante. Le tract a paru en 1885; il est écrit par M. A. Fisch et édité par une librairie protestante parisienne. L'auteur aborde cette première question : « Toutes les religions sont bonnes, pourvu qu'on les pratique », et la traite ainsi :

« Si l'on entend déclarer par là qu'il y a dans plusieurs des religions qui existent aujourd'hui de bons éléments et même des choses dignes de respect, rien de plus juste que cette assertion... Mais, s'il y a dans ces divers systèmes de bonnes choses à glaner ici et là, il n'en résulte nullement qu'il soit indifférent pour nous de choisir l'une ou l'autre de ces religions, et c'est là ce qu'on prétend affirmer quand on vient nous déclarer que toutes les religions sont bonnes. Cela revient à dire que, du moment qu'une religion renferme du bon, autant vaut celle-là qu'une autre. Et comme ceux qui tiennent ce langage sentent la faiblesse de ce raisonnement, ils se hâtent d'ajouter comme pour le renforcer : pourvu qu'on les pratique! Comme si le seul fait de pratiquer une chose défectueuse suffisait pour la rendre meilleure et la réhabiliter à nos yeux!...

« Toutes les religions sont bonnes. Il y a dans cette affirmation si tranchante une ignorance complète de la grande question qui nous occupe et de la véritable manière de la poser. De quoi s'agit-il, en effet? De comparer entre elles les différentes religions en dressant un catalogue de leurs avantages et de leurs défauts respectifs, et de conclure que telle d'entre elles vaut mieux que telle autre? Non, évidemment. C'est là envisager la question d'une manière bien superficielle et la regarder par le petit bout de la lunette. Au fond, la question qui se pose n'est pas de savoir quelle est

la meilleure, mais laquelle est la vraie, car cette dernière ayant pour objet d'unir l'homme à Dieu (c'est là ce que signifie le mot religion), cette union ne peut s'effectuer que d'une seule manière.

« La religion n'est pas comme ces poteaux télégraphiques où viennent aboutir plusieurs fils différents, ou comme ces problèmes d'arithmétique qui sont susceptibles de plusieurs solutions. Il n'y a qu'une seule explication satisfaisante du problème. En quoi consistet-elle? Voilà le noeud de la question...

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Être protestant ou catholique, peu importe, nous dira-t-on! Bien que différentes en apparence, ces deux religions se ressemblent beaucoup; elles sont bonnes toutes deux, et nous ne voyons pas pourquoi nous aurions une préférence pour l'une ou pour l'autre. On croit rêver en trouvant de pareilles affirmations dans la bouche d'hommes sensés et raisonnables '. »

Bien entendu que l'auteur conclut : Des deux religions en présence, c'est le catholicisme qui a tort, et le protestantisme qui a raison. Je ne pense pas que ceux qui m'ont lu attentivement de ma première page à celle-ci admettent aussi aisément la conclusion de M. Fisch. Mais je veux lui laisser donner la réponse à la seconde question: Il ne faut pas changer de religion :

« Il ne faut pas, ou, en d'autres termes, ce serait quelque chose d'inconvenant, de honteux comme une trahison! Il y a là une idée absolument fausse, un pur sophisme que je voudrais une bonne fois démasquer. Non, il ne peut y avoir aucune espèce de déshonneur à changer de religion, lorsqu'on y est poussé par des motifs sérieux et des raisons convaincantes. Ce qui

1 Deux manières de raisonner fort peu raisonnables, p. 6.

serait honteux, ce serait de faire ce pas décisif par intérêt, par ambition, ou par pur caprice, ce qui ne vaut guère mieux. Agir ainsi, ce serait montrer une coupable légèreté, mais ce n'est pas d'une évolution de ce genre qu'il s'agit ici. Le changement de religion que nous avons en vue, le seul que nous puissions comprendre et approuver, c'est celui qui a à sa base un acte de conscience et que nous accomplissons parce que nous y sommes contraints intérieurement. Or, quoi de plus beau qu'une résolution de cette espèce lorsqu'elle est prise avec sérieux 1! »

J'ai fait entendre assez de voix protestantes pour que ce soit le tour maintenant des voix catholiques. Puisqu'il s'agit de changement de religion, écoutons d'abord les raisons de ceux qui en ont changé. En 1831 il y eut en Suisse une conversion qui fit beaucoup de bruit, celle d'un ministre de Zurich, M. Esslinger, homme de grand talent et de grande science. Il annonça son dessein par une lettre au conseil ecclésiastique de Zurich, en février 1831. Il disait :

«Ma conviction de la vérité de la religion catholique, ou (ce qui revient au même pour quiconque veut être chrétien) de la connexion intime et indissoluble entre la révélation et le catholicisme, est pour moi le résultat d'un examen prolongé pendant plusieurs années. J'ai même jeté dans la balance tout ce qui pouvait servir de contre-poids à cette conviction; et ma raison avait commencé depuis longtemps dans mon esprit l'œuvre de ma conversion, avant que mon cœur pût encore se décider à rompre les liens qui m'attachaient au protestantisme... »

1 Ouvrage cité, p. 10.

Il expose ensuite les pressants motifs qui l'ont déterminé à sa résolution définitive; ce sont, d'un côté, les incessantes variations doctrinales du protestantisme, de l'autre le besoin d'une certitude pour la foi et l'impossibilité de la trouver ailleurs que dans l'Église catholique :

« Si, en établissant le christianisme, Dieu a voulu donner aux hommes une révélation surnaturelle, c'està-dire imposer des dogmes que n'enseigne pas la religion dite naturelle, des dogmes obligatoires, et des préceptes nécessaires au salut, alors la religion protestante ne peut être vraie.

« Si Dieu a donné aux hommes une révélation (telle que nous venons de la définir), en même temps, il doit lui avoir donné le moyen de connaître avec certitude les dogmes révélés, dont la connaissance est nécessaire au salut, et ce moyen ne pouvait être autre que l'établissernent d'une autorité visible, perpétuelle, infaillible, telle enfin qu'elle existe dans l'Église catholique.

« Qu'on ouvre l'histoire sans prévention, et l'on verra avec un respectueux étonnement briller sans interruption pendant dix-huit siècles, comme un fanal dominant l'univers, le magnifique édifice de l'Église catholique, immortelle dépositaire des vérités éternelles. Et qu'on remarque bien que ce que l'antiquité entend par ces mots Église catholique, ce n'est pas ce que les protestants entendent par Église chrétienne, monde chrétien, divisé pour eux et par eux en mille opinions. L'Église catholique est, au contraire, seule conservatrice, seule interprète du christianisme primitif...

<< Il est également certain que nulle autre religion n'offre à ses ministres des moyens si puissants de coopérer comme pasteurs des âmes et selon toute l'étendue

des devoirs qu'impose ce titre sublime, au soulagement des malheureux, à la consolation des affligés, à la conversion des pécheurs, en un mot d'atteindre ce but que les protestants eux-mêmes regardent comme le but de toute religion, de contribuer, autant que possible, au bonheur des hommes dans le temps et de l'assurer dans l'éternité 1. 1

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Le ministre Esslinger explique aussi les raisons qui ont retardé sa conversion, malgré sa « conviction fondée sur le raisonnement seul ». Cette page n'est pas la moins importante, et n'est-ce pas la page de tant d'âmes!

« Le courage me manquait pour rompre avec le protestantisme et avec une Église où j'avais reçu les premières impressions religieuses, et qui compte parmi ses membres tant d'objets de ma tendresse, de mon amitié et de ma sincère vénération. Mille raisons ou, si l'on veut, mille prétextes se présentaient pour m'y retenir. Je me livrais à cette espérance que, tout en continuant l'exercice de mon ministère, je pourrais être utile à la cause de la vérité et unir mes efforts aux efforts de plusieurs pasteurs protestants qui, sincères admirateurs des beautés du catholicisme, travaillent autant qu'il dépend d'eux à la future réunion de toutes les Églises... Enfin, je ne voulais pas précipiter une démarche qui devait nécessairement déplaire à mes confrères que j'estime, à mes concitoyens que j'aime, et qui pouvait me faire perdre l'affection d'amis qui me sont bien chers, et surtout affliger une famille à laquelle je suis bien tendrement attaché.

« .....Sans doute, il est quelquefois difficile d'obéir

1 Entretiens d'un ministre protestant converti, p. 16, par Ess

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