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à la voix de Dieu. Nous vivons en un temps où quiconque aime et recherche les biens de ce monde ne sera pas tenté de se faire catholique. Il peut surtout paraître dur, à l'âge que j'ai atteint, à quarante ans passés, de refaire sa vie, et de chercher au hasard, parmi des étrangers, un asile et des moyens d'existence... Cependant aucune de ces considérations ne peut m'arrêter. Plus je considère ce que la Providence a fait pour m'amener au point où j'en suis, plus je sens que désormais je ne puis séparer dans ma conviction la vérité de la religion catholique et l'existence même de cette Providence, qui conduit celui qui s'abandonne à elle, et exauce la prière qui demande où est la route qui conduit au salut 1.

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Qui donc oserait penser que la conversion, le changement de religion, ne sont pas toujours une crise qui remue l'âme dans toutes ses profondeurs! Nous qui avons le bonheur d'être conduits dès l'enfance dans les sentiers de la vraie foi par la main tutélaire et infaillible de notre Sainte Mère l'Église, nous ne sommes peut être pas assez compatissants pour ces âmes qui ont été précipitées dans les labyrinthes de l'erreur non plus par les mains d'une mère, mais d'une marâtre! Nous avons de la peine à concevoir une juste idée des rudes combats du retour; et surtout serons-nous jamais assez reconnaissants à Dieu et à son Église de nous avoir épargné les brûlantes angoisses du doute sur la vérité, sur les moyens de notre salut! Ah! notre cœur est palpitant d'émotion quand nous entendons ces cris de l'âme des convertis, aux heures décisives de leur victoire suprême! Nous éprouvons le

1 Entretien d'un ministre protestant converti, p. 18.

saisissement d'une respectueuse admiration quand nous lisons ces lignes de M. Stevenson à son frère :

« Je m'aperçus enfin que je n'étais protestant que de nom; que pour être protestant de fait, il fallait mettre en pratique, hardiment et sans reculer devant les conséquences, le principe du libre examen. Je m'aperçus enfin que je me berçais de la plus sotte illusion en croyant la parole de Dieu ma seule règle de foi. Évidemment, vous l'avez vu, mon cher frère, ma règle de foi, c'était l'enseignement religieux que j'avais reçu.

« Convaincu donc que ma raison, enchaînée par des principes qui en annulaient la puissance, n'était que la raison d'autrui et aucunement la mienne; que la con frontation que je faisais des doctrines que j'avais apprises avec celles qui se trouvaient dans l'Évangile, n'était au fond qu'imaginaire; que je commentais les Saintes Écritures d'après un système qui m'avait été imposé et non d'après mon propre jugement, mon sens privé, mes propres lumières, je me suis demandė si je n'avais pas été le jouet d'une autorité tout humaine. En d'autres termes, l'autorité à laquelle se pliait avec amour ma pensée la plus intime, qui ne rencontrait dans mon intelligence aucun point quelconque de résistance, que je prenais pour celle du Fils de Dieu lui-même, quelles garanties présentait-elle ? Où étaient ses lettres de créance? Question sérieuse, s'il en fut, et où il y allait de mes intérêts éternels!

« Le doute se glissa dans mon cœur, dans ce cœur qui avait douté de tout, excepté de la divinité de sa foi. Il me semblait d'abord que je me séparais pour toujours de notre bien-aimée mère. C'était elle surtout, femme sincère et profondément pieuse, qui avait le

plus contribué par ses exhortations incessantes, par son exemple, à graver dans mon cœur les doctrines que je professais. Oh! si elle vivait encore, elle serait, je l'avoue, la plus séduisante des tentations à laquelle pût être exposée ma foi nouvelle, tant je l'aimais! Le mépris, l'injure, la calomnie, la haine, toutes les tortures morales qui attendent le protestant qui passe dans les rangs de l'ennemi, tout cela n'approche pas du regard d'une mère, des prières, des larmes d'une mère! Dieu a voulu que la mienne mourût avant ma conversion; il savait combien la chair est faible, et il voulait m'épargner ce coup terrible. Ah! mon trèscher frère, ceux qui, il y a trois siècles, ont voulu le schisme et n'ont pas craint de rompre avec l'Église de Dieu, auront à répondre devant le Juge suprême de toutes les douleurs qui traversent le cœur du chrétien au moment décisif où, poussé irrésistiblement par sa conscience et ses convictions les plus intimes, il se voit obligé de renoncer, peut-être pour toujours, à l'amour des siens, à tout un passé de souvenirs tendrement chéris '.... »

Sans doute il y a des liens difficiles à rompre, il y a des ménagements qui paraissent une loi de la vie domestique ou sociale, il y a des sentiments respectables à concilier avec l'obligation de la conscience; mais Dieu qui a fait le cœur de l'homme et le connaît, lui donne aussi la force de s'élever au-dessus de toute considération humaine pour triompher de ces obstacles. Que pourrait-on opposer à l'appel de Jésus-Christ, quand il a d'avance détruit toutes les objections par ce mot si énergique et si terrible (MATTH. x, 37): « Qui aime son

1 Lettre à mon frère aîné, par H. M. STEVENSON, p. 12.

père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; et qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. »

La vie de ce monde n'est qu'une étape de l'existence totale de l'homme, dont l'âme est immortelle. Le ciel est le terme de ce pèlerinage terrestre, s'il est bien conduit; l'enfer, s'il est mal conduit. Il ne peut y avoir d'hésitation pour personne sur ce point, puisque l'Évangile décrit d'avance la scène du jugement universel et donne la sentence par laquelle le souverain juge enverra les uns au bonheur éternel, les autres au supplice éternel. Or, qui voudrait affronter cette condamnation suprême et irrévocable plutôt que de prendre résolûment la voie que Jésus-Christ ordonne à tous de suivre en ce monde dans son Église unique, sous la conduite de son vicaire, le Pape de cette Église? La formule Hors de l'Église point de salut signifie qu'en dehors de l'Église catholique les moyens de salut établis par Jésus-Christ ne se trouvent point et l'on ne peut se sauver que par hasard. Qui donc voudrait compter sur le hasard pour une affaire aussi grave? Écontons encore la parole d'un pasteur suédois converti récemment, dont nous avons déjà parlé au chapitre II de ce livre; en annonçant sa détermination au consistoire, il disait :

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<< Parce que j'embrasse le catholicisme, ma conduite sera condamnée par beaucoup, et surtout par le public nombreux qui parle sans connaissance de cause et se nourrit de préjugés incroyables. Les esprits plus cultivés se contenteront peut-être de me reprocher un manque de patriotisme. Mais je suis d'avis qu'en matière de religion les motifs religieux seuls doivent nous guider dans une détermination : que, au temps de la jeunesse, on embrasse telle ou telle religion parce

qu'elle est plus commode, parce qu'elle est la plus utile à l'État, ou parce qu'elle est à la mode chez les personnes dont on est environné, cela se conçoit; mais quand on est accablé sous le poids du deuil, et qu'on reçu, comme moi, les plus sévères admonestations touchant les vanités de cette vie, il n'en peut être ainsi. En ma qualité de pasteur, j'ai moi-même constaté auprès du lit des mourants l'impuissance de la religion protestante à diriger, à consoler, alors que les lumières et le courage sont le plus nécessaires. Comment ne profiterais-je donc pas de pareilles leçons! Oui, je me montrerai fidèle aux devoirs que m'impose ma conscience, et je marcherai devant Dieu dans l'intégrité de la vie que l'on doit toujours garder, alors même qu'elle entraînerait quelques sacrifices temporels '. »

Il est temps de conclure. Ce coup d'œil rapide que nous venons de jeter sur le protestantisme contemporain, nous a mis en contact avec les peines morales les plus irrémédiables. Nous avons entendu les cris de détresse des foules, admiré le courage des âmes fortes qui brisent les liens de l'erreur et viennent se réfugier avec bonheur dans les bras de l'Église. Nous avons vu les ministres aux prises les uns avec les autres dans des luttes aussi stériles qu'insolubles, achevant de détruire la foi populaire par leurs contradictions et leurs négations de jour en jour plus audacieuses, et avouant leur impuissance à satisfaire les besoins religieux des peuples. En présence de ces multitudes privées de tout enseignement sûr, logique, satisfaisant pour la raison et le cœur, il nous a semblé entendre

1 Lettre au consistoire de Lund par le pasteur converti Alex. Johan Hellgvist; Christianopol, 20 décembre 1881.

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