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cette lamentation de Jérémie (Lam., c. IV, v, 4) : << Les petits enfants ont demandé du pain, et il n'y avait personne qui le leur distribuât. »> Et pourtant quel est l'homme qui peut se passer du « pain de la vie éternelle » ?

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Les retours au catholicisme, quoique très-nombreux, ne se font pas en masse. Nous en avons trouvé la raison dans le caractère tout à la fois autoritaire et nationaliste du protestantisme. L'action des ministres ne s'exerce que dans un sens négatif, c'est-à-dire pour remplir l'imagination des enfants de préjugés et d'erreurs contre l'Église romaine. Sur ce point, l'accord existe entre les ministres de toutes les nuances; la division ne commence qu'au moment où il faut mettre quelque chose à la place de cette Église catholique, apostolique et romaine, tant accusée, tant combattue, et pourtant toujours brillante de jeunesse et de vie, toujours une et sainte. Les esprits réfléchis abandonnent un à un cette prétendue Église protestante qui ne peut pas même se définir, qui est issue d'une coalition d'intérêts matériels et de passions inavouables, qui ne date que de trois siècles et s'est tellement transformée dans ce court intervalle que ses premiers auteurs ne la reconnaîtraient même plus aujourd'hui.

Comme si tout devait fatalement servir de matière à dispute au sein du protestantisme, les conversions elles-mêmes sont un brandon de discorde de plus entre les orthodoxes et les libéraux, qui s'accusent réciproquement d'en être responsables. Au mois de mai 1882, deux protestants de Zurich, MM. d'Orelli et Pestalozzi, appartenant à la haute société de cette ville, se convertirent au catholicisme. Les deux journaux religieux protestants de Genève, l'Alliance libérale et la Semaine

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religieuse, eurent à ce sujet une vive polémique. La Semaine religieuse, organe des orthodoxes, attribuait la cause des conversions à « l'intrusion du christianisme libéral qui désorganise les Églises ». L'Alliance libérale répondait que « c'est au contraire l'orthodoxie protestante qui conduit droit au catholicisme, par la force de la logique ». — « Ne vous étonnez pas, ajoutait-elle, si quelques-unes de vos ouailles, pous«<sées par la logique et l'amour de l'autorité, vous << abandonnent pour aller demander à Rome une auto<< rité qui leur paraît plus auguste, et plus sûre, et plus << ferme que la vôtre. » A l'appui de son plaidoyer, l'Alliance libérale citait les conversions de l'Angleterre et de l'Allemagne, où « l'orthodoxie ultra-luthérienne << triomphe sur toute la ligne, extérieurement du << moins ». Or, concluait-elle, «< cette orthodoxie ne prend-elle pas, bannières déployées, le chemin de « Rome en tournant honteusement le dos à Wittemberg? A qui la faute, sinon au principe orthodoxe <«< lui-même? Et lorsque l'heure des conversions aura sonné, et elle sonnera fatalement, direz-vous encore <«< que c'est le christianisme libéral qui en aura hâté << la marche?»> Je n'ai pas à tran cher ce débat. Il me semble cependant qu'il y a du vrai de part et d'autre : si les orthodoxes tiennent à conserver le christianisme, ils s'aperçoivent aussitôt que le catholicisme seul peut le leur donner; en ce sens l'orthodoxie pousse nécessairement au catholicisme; de leur côté les libéraux ont des principes destructeurs de tout christianisme; ils sont donc un danger pour les orthodoxes et ne peuvent que contribuer à les pousser plus fort vers le catholicisme.

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Plus on étudie l'Église catholique, plus on y découvre

de beauté et de lumière, plus on y trouve de contentement et de repos de l'esprit, plus on s'y attache fortement parce qu'elle donne la certitude intime de posséder avec elle « la voie, la vérité et la vie ». Au contraire, à mesure que l'on étudie les religions d'invention humaine, de quelque nom qu'elles s'appellent, on sent que le terrain manque sous les pas. Dès qu'on les regarde en face, qu'il faut « les peser à la balance de la raison et de l'histoire », on est saisi de l'impression d'effroi que produit la vue d'un abîme sans fond, et alors l'âme se reporte pour ainsi dire de toute la vigueur de ses forces vers l'Église catholique, comme le matelot pressé par la tempête vogue à toutes voiles vers le port. C'est ce qu'exprimait éloquemment M. Théodore de la Rive, un converti appartenant à l'une des plus grandes familles de Genève, à la fin d'une étude sur l'Église française de l'abbé Châtel, le Saint-Simonisme et le positivisme d'Auguste Comte (Genève, avril 1885): Oui, messieurs, et je voudrais que cette étude des religions fondées par les hommes eût servi à le démontrer, il n'y a qu'une religion fondée par un Dieu, par un Dieu mort et ressuscité, qui ait pu subsister pendant dix-neuf siècles, braver toutes les persécutions, endurer tous les outrages, et, en dépit des fautes de ceux mêmes qui la pratiquent, demeurer sans cesse comme un foyer de lumière et de vertus toujours nouvelles! Il n'y a qu'une religion fondée par un Dieu, par un Dieu mort et ressuscité, qui puisse faire naître les sacrifices, les dévouements, les immolations et les martyres qui, depuis dix-neuf cents ans, se sont produits et se produisent chaque jour encore sous nos yeux! Il n'y a qu'une religion fondée par un Dieu, par un Dieu mort et ressuscité, qui ose parler de surna

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turel et de miracle, de pénitence et de renoncement, de mortification et de sainteté ! Rien ne prouve donc mieux, à mon avis, la divinité de notre Église que l'inanité des efforts qui, dans tous les temps et de nos jours même, ont été faits pour la remplacer. J'ajoute, messieurs, que rien n'est plus encourageant, selon moi, rien ne donne plus à espérer que ces manifestations, si ridicules soient-elles, que ces déviations, si grossières qu'elles puissent paraître, de l'instinct ou du sentiment religieux. Oui, dans un siècle où l'on affecte de ne plus croire qu'à la matière, il se fait comme un secret travail des âmes, il y a dans ces sectes détachées de l'arbre de vie, chez ceux mêmes qui ne veulent plus croire ni à Jésus-Christ ni à Dieu, il y a, l'exemple de M. Littré nous l'a prouvé, comme de brusques tressaillements de la conscience, comme des cris d'angoisse, de désespoir ou d'envie. Prêtons l'oreille à ces sourdes clameurs. Observons le vent qui se lève à l'horizon. A l'Orient, le schisme sent déjà son impuissance et se rend compte de sa stérilité. Un secret courant de sympathie s'établit entre les sièges de ces vieux patriarches et le siège auguste de celui qu'au fond de leur âme ils doivent reconnaître pour le vicaire de Jésus-Christ. Dans l'Occident, le protestantisme achève de tomber en poussière; le libre examen a fait son œuvre; l'édifice bâti sur le sable mouvant s'est écroulé. Sur ces débris de christianisme qui jonchent le sol, des consciences errent inquiètes; ballottées à tout vent de doctrine, elles jettent de tristes et d'avides regards sur le roc solide de l'Église, vers le centre infaillible de l'unité '. »

1 Trois Essais de religions modernes, par Th. DE LA RIVE, p. 87.

Ce centre de l'unité tend les bras largement ouverts à nos frères séparés. Comme le père de l'enfant prodigue, il regarde chaque jour si son fils ne vient point reprendre sa place d'honneur et sa part de joie dans le sein de la famille. Mais, encore une fois, la maison est immobile; elle ne se déplace pas, il faut y revenir. Heureux retour, célébré par la meilleure des fêtes qui se puissent rencontrer! « Je me lèverai, et j'irai » ; que ce cri du prodigue retentisse au milieu de ces âmes ébranlées, honnêtes, religieuses par sentiment, mais privées de la vérité qui sauve! Il ne suffit pas de croire vaguement en son cœur, il y a obligation de confesser publiquement sa foi, « car on doit croire de cœur pour être juste, et l'on confesse de bouche pour être sauvé ». (Rom., x, 10.) Et Jésus-Christ a dit : << Celui qui m'aura renié devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux. » (MATTH., X, 33.)

Et maintenant, cher lecteur, il faut nous quitter. Cette course rapide que nous avons faite ensemble à travers les ténèbres de tant d'erreurs, pour les dissiper, me rappelle la lutte de l'ange avec Jacob pendant une nuit. Vous y avez, si vous le voulez, rempli le rôle de l'ange; j'espère y avoir rempli celui de Jacob, qui n'a « surmonté ». pu être Après avoir lutté jusqu'au matin, l'ange dit à Jacob (Genèse, xxxII, 26) : «Laissezmoi aller, car l'aurore commence déjà à paraître. Jacob lui répondit: Je ne vous laisserai point aller que vous ne m'ayez béni. » L'aurore de la vérité commence à paraître dans votre intelligence, je n'en doute pas, cher lecteur. Vous voulez maintenant aller chercher ailleurs une plus grande lumière; vous la trouverez chez nos prêtres, chez nos évêques; vous la trouverez

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