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de son corps mystique, et qu'en eux fût toujours conservée et rendue plus parfaite cette vie nouvelle de la grâce, sans laquelle personne ne peut mériter et obtenir la vie éternelle; enfin, pour que cette même Église, qui constitue son corps mystique, demeurât toujours stable et immobile dans sa propre nature jusqu'à la consommation des siècles, pour qu'elle vécût florissante et fût en état de fournir à tous ses enfants tous les moyens de faire leur salut. Or, quiconque veut examiner avec soin et méditer la condition où se trouvent les diverses sociétés religieuses divisées entre elles et séparées de l'Église catholique qui, depuis Notre-Seigneur Jésus-Christ et ses Apôtres, a toujours exercé par ses pasteurs légitimes et exerce encore maintenant le pouvoir divin qui lui a été donné par le même Notre-Seigneur, celui-là devra se convaincre facilement que ni aucune de ces sociétés, ni toutes ensemble ne constituent en aucune façon et ne sont cette Église une et catholique que Notre-Seigneur a fondée et bâtie, et qu'il a voulu créer. Et l'on ne peut pas dire non plus en aucune façon que ces sociétés soient ni un membre ni une partie de cette même Église, puisqu'elles sont visiblement séparées de l'unité catholique. Car des sociétés pareilles étant dépourvues de cette autorité vivante et établie par Dieu qui enseigne surtout aux hommes les choses de la foi et la discipline des mœurs, et qui sert de règle en tout ce qui regarde le salut éternel, elles ont constamment varié dans leurs doctrines, et ce changement et cette instabilité dans ces sociétés ne cessent jamais. Chacun donc comprend parfaitement, chacun voit clairement et manifestement que cela est en opposition complète avec l'Église instituée par Notre-Seigneur, puisque dans cette Église la vérité doit toujours demeurer stable et inaccessible à tout changement, afin de conserver absolument intact le dépôt qui lui a été confié et pour la garde duquel la présence et le secours du Saint-Esprit lui ont été promis à jamais. Il n'est personne non plus qui ignore que ces dissensions de doctrines et d'opinions ont donné naissance à des schismes sociaux, qui ont enfanté eux-mêmes des communions et des sectes sans nombre, lesquelles se propagent tous les

jours au grand détriment de la société chrétienne et civile.

« En effet, quiconque reconnaît que la religion est le fondement de la société humaine ne peut pas méconnaître et nier avec quelle puissance cette division de principes, celte opposition et cette lutte de sociétés religieuses entre elles, agissent sur la société civile, et avec quelle violence cette négation de l'autorité établie par Dieu pour gouverner les croyances de l'esprit humain et pour diriger les actions de l'homme, aussi bien dans sa vie privée que dans sa vie sociale, à soulevé, propagé et entretenu ces changements déplorables des choses et des temps, ces troubles qui bouleversent et accablent aujourd'hui presque tous les peuples.

"

Que tous ceux donc qui ne possèdent pas l'unité et la vérité de l'Église catholique saisissent l'occasion de ce Concile, où l'Église catholique, à laquelle appartenaient leurs pères, montre une nouvelle preuve de sa profonde unité et de son invincible vitalité, et que, satisfaisant leur cœur, ils s'efforcent de sortir de cet état dans lequel ils ne peuvent être rassurés sur leur propre salut. Et qu'ils ne cessent point d'offrir les plus ferventes prières au Dieu des miséricordes, afin qu'il renverse le mur de division, qu'il dissipe les ténèbres des erreurs, et qu'il les ramène à la sainte Mère Église, dans le sein de laquelle leurs pères ont trouvé les salutaires pâturages de la vie, dans laquelle seule se conserve et se transmet entière la doctrine de Jésus-Christ, et se dispensent les mystères de la grâce céleste.

« Pour Nous, à qui le même Christ Notre-Seigneur a confié la charge du suprême Ministère apostolique, et qui devons, par conséquent, remplir avec le plus grand zèle toutes les fonctions d'un bon pasteur, et aimer d'un amour paternel et embrasser dans Notre charité tous les hommes répandus sur la terre, Nous adressons cette Lettre à tous les chrétiens séparés de Nous, et Nous les exhortons encore et conjurons de revenir en hâte à l'unique bercail du Christ. Car Nous désirons ardemment leur salut en Jésus-Christ, et Nous craindrions d'avoir un jour à lui rendre compte, à lui qui est Notre Juge, si Nous ne leur montrions pas, et si Nous ne leur donnions pas autant qu'il est en Nous le moyen

assuré de reconnaître la voie qui conduit au salut éternel. Dans toutes Nos prières, suppliant et rendant des actions de grâces, Nous ne cessons, ni le jour ni la nuit, de demander pour eux humblement et avec instance, au Pasteur éternel des âmes, l'abondance des lumières et des grâces célestes. Et comme, malgré Notre indignité, Nous sommes Son Vicaire sur la terre, les mains étendues, Nous attendons avec le désir le plus ardent le retour de Nos fils errants à l'Église catholique, afin de pouvoir les recevoir avec amour dans la maison du Père céleste et les enrichir de ses inépuisables trésors. De ce retour si désiré à la vérité et à la communion

avec l'Église catholique, dépend non-seulement le salut des individus, mais encore de toute la société chrétienne; le monde entier ne peut jouir de la paix véritable, s'il ne devient un seul troupeau sous un seul pasteur.

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Quelle fut la réponse des protestants à cette invitation si pleine de cœur et d'évangélique charité? Il parut d'abord, en latin, une responsio anglicana, dans laquelle le clergé anglican repoussait la main tendue sous le prétexte que Pie IX ne regardait pas comme évêques véritables les évêques anglicans. En effet, le Pape ne pouvait ni les considérer ni les convoquer comme évêques : ils ne le sont pas. Cette question a été étudiée et approfondie depuis des siècles; il est démontré avec toute la certitude possible que l'ordination sacrée a été perdue dans le schisme de l'Angleterre, et qu'il n'y a plus ni sacerdoce réel ni épiscopat, malgré tous les titres conservés par les ministres. << Vaine excuse donc que celle de l'anglicanisme, répondait Mgr Plantier; c'est celle d'une injuste susceptibilité qui se fâche, ce n'est pas celle d'un droit méconnu qui se plaint. » Pie IX avait invité les évêques schismatiques de l'Orient, précisément parce qu'il suppose qu'au sein même du schisme, ils

ont gardé la succession perpétuelle du caractère épiscopal, supposition impossible à l'égard des protestants.

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A Genève, la Compagnie des pasteurs notifia son refus par une adresse « à tous les chrétiens évangéliques», déclarant que « la forme de l'invitation de Pie IX lui paraissait « modérée et charitable », mais s'excusant de ne pas répondre à l'appel, parce que, si le Pape ne « rappelle pas les anathèmes dont Rome a tant de fois chargé les protestants, malheureusement les anathèmes subsistent; ils n'ont jamais été révoqués. Mais si les anathèmes subsistent, c'était une belle occasion d'aller s'en plaindre et tenter de se justifier. On a vu que les protestants ne voulurent pas se présenter au Concile de Trente, alors que les anathèmes n'étaient pas encore prononcés. Sans doute la cause est maintenant jugée, mais les éléments du procès sont encore là; il est facile aux ministres de constater de leurs propres yeux que les erreurs condamnées par le Concile méritaient et méritent encore de l'être.

L'excuse alléguée par les chefs protestants d'Allemagne est encore plus curieuse que celles de Londres et de Genève. Le Conseil ecclésiastique supérieur de Berlin protesta contre l'encyclique du Pape. « Comme dans cet écrit, disait-on, le chef d'une autre Église adresse en même temps aux membres de la nôtre, et cela comme ayant autorité sur eux, comme étant également leur chef suprême, l'exhortation d'abandonner leur chère foi,... vu que, d'autre part, nul rapprochement sur le terrain de la vérité n'est prévu, nous repoussons énergiquement un tel procédé comme étant un empiéAinsi, landis que les anglicans

tement injuste. »

reprochent au Pape de ne pas reconnaître leur épiscopat, les Allemands lui reprochent de les reconnaître pour chrétiens et de les inviter comme tels à l'union; car ce n'est qu'à titre de chrétiens que Pie IX s'adressait à eux, et ce titre leur donne un droit bien réel aux sollicitudes du pasteur suprême des âmes. Mais ici se placent une réflexion et un exemple.

De Londres, de Genève et de Berlin, ce sont les autorités protestantes qui répondent. Nous savons ce que les ministres pensent; mais le peuple, s'il avait pu se prononcer spontanément, de sa propre initiative, aurait-il pris la même décision que les ministres? N'avons-nous point là un des fâcheux effets de cette tradition autoritaire du protestantisme, dont j'ai déjà parlé? Combien y a-t-il même de protestants, parmi les gens du peuple, qui aient eu connaissance de l'encyclique du Pape autrement que par la protestation des chefs de leur Église? Ce sont les ministres qui tranchent la question, et ils sont les moins aptes à le faire impartialement. Ce sont eux qui auraient eu la tâche de défendre la cause de leur Église au Concile; on conçoit que la crainte d'un fardeau si lourd les ait tenus à l'écart. Mais les fidèles ne devaient-ils pas, tout au moins, se croire honorés de voir leurs ministres expliquer et soutenir leurs croyances devant cet aréopage de tout ce que l'Église catholique a de plus distingué? Si leur doctrine n'ose pas se montrer dans une circonstance aussi solennelle, n'est-ce pas pour elle une marque de faiblesse et d'infériorité?

Il est donc à croire que le peuple aurait accueilli autrement que les ministres la touchante invitation de Pie IX. Pour preuve, nous avons eu en Amérique une conversion célèbre, due à la lecture de cette encyclique.

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