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découvris comme le trésor caché dans un champ. Pendant des années, je l'avais parcouru dans toutes les directions, et le trésor était là, sous le sol que mes pieds foulaient. Je m'écriai avec saint Augustin : Je t'ai trouvée trop tard, hélas! vérité ancienne et toujours nouvelle. Transporté de joie, je vendis tout ce que je possédais et j'achetai le champ.....

« La miséricorde m'a conduit aux pieds de ma véritable mère. Malgré mon attitude outrageante, elle m'attendait avec patience et versait sur moi des larmes d'amour. Dans la lumière du présent, je ne puis oublier les ténèbres du passé. Transporté dans un jardin aux suaves odeurs, je ne puis oublier le désert sauvage. Abreuvé d'une eau limpide, je me souviens des citernes en ruine que je m'efforçais de déblayer. Je faisais le travail des seaux troués qui s'usent aux parois d'un puits et remontent sans rien apporter.

« Il me tarde de détourner un instant la tête et d'adresser un appel à ceux que j'ai laissés derrière moi.

« O mes frères ! est-ce entreprendre une tâche audessus de mes forces? vous tiendrai-je un langage inconvenant en vous suppliant d'examiner la base sur laquelle votre foi repose? Réfléchissez avec une généreuse droiture, avec une bonne volonté que n'altère aucune secrète réserve. Ne craignez ni la froideur ni la raillerie de ceux qui accuseraient d'hésitation ou de faiblesse votre loyale conduite. Qu'ils nous traitent durement, ceux qui ne savent pas ce qu'il en coûte pour trouver la vérité et se préserver de l'erreur, pour se rendre digne de contempler le soleil des âmes. Durant ce travail, n'oubliez pas d'importuner Dieu de vos prières. C'est ce fil qui conduit au milieu du labyrinthe de l'erreur. Ne demandez pas de devenir catho

liques romains, ce serait irrationnel. Demandez avec ferveur que vos yeux soient ouverts, qu'ils discernent la véritable Église; demandez l'intelligence de la vérité et l'énergie de vous dévouer pour elle. Si vous êtes, je ne dirai pas des hommes courageux, mais des hommes sincères, vous n'hésiterez pas à faire ce que je sollicite. Au fond du cœur, j'ai la conviction que Dieu ne repoussera pas plus votre prière qu'il n'a repoussé la mienne. Vous ne voulez pas, vous n'osez pas la proférer peut-être; eh bien, il est une vertu qui peut toujours suppléer aux défaillances de votre esprit et de votre cœur : c'est la grâce de Dieu1. »

Je n'ai pu résister à transcrire une longue partie de cet émouvant récit. Il montre qu'une âme généreuse et de bonne volonté ne se met jamais en face de la vérité sans en ressentir l'attrait vainqueur. Saint Thomas enseigne que si un païen, dans quelque île inconnue, se livrait sincèrement au désir de faire la volonté de Dieu, tel qu'il lui est connu par les lumières de la raison, Dieu enverrait un ange le baptiser plutôt que de laisser périr son âme par défaut de la grâce sanctifiante. Dieu, sans doute, n'a pas des miséricordes moins riches pour les chrétiens baptisés, mais retenus par l'erreur traditionnelle hors des voies du salut. Ce qui a préparé James Kent-Stone à la grâce de sa conversion, il le dit lui-même, c'est son noble et ardent désir de se dévouer à la vérité. Il avait copié et tenait suspendue sous ses yeux une sentence d'un ami anglican, Richard Hooker : « Sous quelque forme que se montre la vérité, prends garde! n'affaiblis pas ses traits par des illusions partiales; reconnais sa gran

1 L'Invitation acceptée, p. 19 et suiv.

deur, et compte au nombre de tes meilleures victoires celle qu'elle aura remportée sur toi. » Il avoue que pendant de longues années sa prière la plus fréquente était de « demander à l'Esprit-Saint l'intelligence du devoir et le courage de l'accomplir toujours ».

Cet exemple admirable n'autorise-t-il pas à penser que la parole des papes produirait de meilleurs fruits, au milieu des protestants, si les laïques avaient à la méditer eux-mêmes et à prendre personnellement leur parti, au lieu de voir les ministres ou les consistoires. trancher et répondre pour eux? Je laisse M. KentStone leur adresser ce dernier appel (p. 66) :

« Le protestantisme. - Ah! s'écriait Bossuet, nos cœurs battent à ce nom; et l'Église, toujours une mère, ne peut y penser sans laisser échapper ses vœux et ses soupirs: Protestants, le Saint-Père vous écrit à vous tous qui reconnaissez Notre-Seigneur Jésus-Christ pour votre rédempteur, et vous glorifiez du nom de chrétiens; il vous conjure d'examiner avec soin si vous êtes dans la voie tracée par notre divin Sauveur; il vous supplie d'être fidèles à la voix de la conscience, de demander instamment au Dieu de miséricorde qu'il brise le mur qui nous sépare, dissipe les nuages qui vous voilent la vérité; ses bras ouverts vous attendent au sein de la paix. Venez, mes frères, revenez. Le jour s'avance, majoresque cadunt altis de montibus umbra! hélas! la nuit s'approche. Si la raison doit régner seule, elle régnera bientôt comme l'étoile de la nuit, sur des ombres qu'elle ne peut éclairer. Revenez avant qu'il soit trop tard; revenez de peur que vous ne soyez surpris au moment où vous combattez contre Dieu. >>

CHAPITRE V

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Réunion des Églises. — Négociations de Spinola, Leibnitz, Molanus et Bossuet. Échec dû à des motifs politiques. Tentatives actuelles de réunion. Conférences de Dællinger à Munich sur ce sujet. Opposition entre les ministres et les laïques protestants. Correspondance d'un ministre de Genève avec Mgr de Bonnechose, archevêque de Rouen. Réunion de M. Loyson, de l'évêque anglican d'Édimbourg et des évêques vieux-catholiques dans la cathédrale de Berne. Réunion des Grecs au Concile de Florence. Obstacles à une réunion de la part du protestantisme. La vraie union. Lettre de Mgr Rendu au roi de Prusse.

Les autorités ecclésiastiques protestantes ne se prêtent pas aux tentatives de conciliation venues de Rome. L'obstacle insurmontable a toujours été la prétention d'imposer leurs nouveautés : elles veulent dicter les conditions de la paix et, par là, rendent toute paix impossible. Les négociations ne discontinuèrent pas pendant le premier siècle du protestantisme pour mettre fin au schisme. La guerre de Trente ans suspendit tout projet officiel de réunion. Mais les esprits, qui étaient comme liés au sort des tentatives publiques, reprirent leur liberté d'action, et c'est alors que commencèrent les conversions illustres du dix-septième siècle : le prince Jean-Frédéric de Brunswick; le landgrave Ernest de Hesse-Rhinfels et le landgrave Fréderic de Hesse-Darmstadt, arrière-petits-fils du fameux landgrave l'hilippe à qui Luther avait permis la bigamie;

enfin la reine Christine de Suède, qui renonçait au trône de Gustave-Adolphe, pour faire sa profession de foi catholique, le 24 juin 1654, entre les mains d'un ancien luthérien de Hambourg, Luc Holsténius, devenu prélat romain et envoyé au-devant d'elle par le pape Alexandre VII. Ce fut alors aussi que se multiplièrent les écrits de plusieurs savants protestants en faveur du catholicisme, tels que ceux de Grotius, le célèbre et malheureux Hollandais dont le monde des lettres et des sciences célébrait naguère le troisième centenaire. Enfin, le dernier quart du siècle fut tout rempli des négociations de l'évêque Spinola, de Neustadt, avec les diverses cours de l'Allemagne, et des longues correspondances entre Bossuet, Leibnitz, Ferry et Molanus. Plus d'une fois on crut que la réunion allait être faite. Les dissentiments avaient disparu sur la plupart des points essentiels.

L'ecclésiastique le plus considérable du monde protestant, à cette époque, était Molanus, abbé luthérien de Lokum. Il convint avec l'évêque Spinola qu'on prendrait pour point de départ l'Exposition de la foi catholique, de Bossuet, et pour règle de conciliation l'antiquité ecclésiastique et l'autorité visible de l'Église. Leibnitz rédigea son Système de théologie, qui justifie l'Église romaine sur tous les points. Innocent XI, sur l'avis d'une commission de cardinaux, autorisa Spinola à poursuivre cette affaire, attendu que plusieurs protestants avaient refusé de traiter avec lui parce qu'il n'avait que des pleins pouvoirs de l'Empereur et non du Pape. A la fin de l'année 1691, Molanus envoya donc à Bossuet le projet de réunion concerté avec l'évêque de Neustadt. L'écrit est composé de deux parties. Dans la première, Molanus propose les moyens

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