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laïque protestant, animé de sentiments religieux, qui n'ait pas désiré une réunion et n'ait point pensé que le moment était arrivé d'y travailler, parce que la séparation, en se prolongeant, faisait plus de mal que de bien '. >>

Les ministres, ne voulant pas l'union avec le catholicisme, parce qu'ils croient y trouver trop d'inconvénients pour leur comple personnel, ont cherché des compromis de toutes sortes. Quelques-uns se sont abandonnés à des théories creuses sur l'attente d'une Église de l'avenir » et d'une nouvelle Pentecôte. Fichte et Schelling, ayant imaginé de faire remonter aux apôtres le schisme du seizième siècle, répandirent l'idée d'une troisième Église qui viendrait fondre ensemble l'Église catholique, appelée par eux Pétréiste, etl'Église protestante, appelée Pauliniste: la future Église met

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trait de côté Pierre et Paul et se fonderait sur saint Jean, avec le nom de Joanniste. Cette espérance fut prise très au sérieux. A la diète ecclésiastique de Stuttgard, en 1857, le professeur Piper consolait l'assemblée en lui faisant entrevoir l'Église humanitaire de Jean, l'apôtre de la dilection, qui commencerait la quatrième période de l'Église.

En Angleterre, l'attente d'une nouvelle ère qui s'ouvrirait par une seconde Pentecôte, une seconde effusion du Saint-Esprit, est pareillement très-répandue. On croit à un prochain millénaire, qui serait la Société parfaite finale, la nouvelle Jérusalem descendue du Ciel, et l'on cherche à étayer ces songes sur des interprétations de l'Apocalypse. Tout cela est de la haute fantaisie et ne mérite mention que comme indice du

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tourment des esprits, qui ne peuvent se résigner à l'état présent de morcellement et de scission et veulent espérer, même contre toute espérance, le triomphe de l'unité nécessaire.

Un ancien ministre de Genève, M. Claparède, mort il y a peu d'années, avait passé le meilleur de sa vie à méditer et à propager des plans d'union des Églises. Il avait fait imprimer en 1835, l'année même du troisième centenaire de la Réforme à Genève, un écrit (Urbi et Orbi), où il exposait ses vues, croyant que « le moment était arrivé où les disciples fidèles du Sauveur allaient se tendre la main afin de réaliser le vœu de leur maître : Qu'ils soient un afin que le monde croie ». En dernier lieu (27 mars 1864), il adressait la collection de ses écrits à Mgr de Bonnechose, archevêque de Rouen, et il le suppliait d'appuyer son Plan pour la fondation d'une alliance catholiqueévangélique. «De toutes parts, écrivait-il dans cette lettre inédite, des philosophes, des incrédules, dans le sein de toutes les communions chrétiennes, les Salvador, les Renan, les Strauss, etc., etc., s'efforcent de saper le christianisme par sa base. Ces attaques sont d'autant plus redoutables, qu'elles sont savantes, qu'elles partent d'hommes sérieux et généralement honorables, en sorte qu'il semble que tout est prêt pour le triomphe du dernier Antechrist, favorisé par la division du petit nombre de chrétiens qui n'ont pas encore abjuré la foi à la révélation divine. Ne serait-il pas temps, Monseigneur, que des hommes comme vous, dans les Églises grecque et romaine, s'unissant aux Naville, aux de Pressensé du protestantisme, entreprissent de constituer une sainte alliance, prenant pour base les doctrines vitales de la Chute, de la Rédemption, de la Divinité

éternelle du Fils de Dieu, un avec le Père et le SaintEsprit, de la nécessité d'une sanctification véritable régénérant le cœur par le Saint-Esprit.....

« Plus que quelques mots, Monseigneur; cet appel, que je prends la liberté de vous adresser, sera-t-il aussi infructueux que les tentatives indirectes que j'ai faites, à diverses reprises, auprès de quelques nobles et pieuses intelligences, en leur communiquant mes écrits dans l'espoir que, d'elles-mêmes, elles prendraient à cœur l'œuvre indispensable d'un rapprochement entre les membres dispersés du corps de Jésus-Christ? Daignerez-vous prêter quelque attention à la voix d'un vieillard qui a toujours cherché consciencieusement la vérité, sans se faire d'aucun parti que de celui de la vérité, et qui a cru devoir la dire avec ménagement aux uns et aux autres, lors même qu'elle pouvait froisser leurs préjugés 1?»

Je ne sais ce que le vénérable archevêque de Rouen répondit. M. Claparède avait aussi adressé son plan d'alliance à MM. les curés et vicaires du canton de Genève, ainsi qu'aux membres du consistoire, par lettre du 13 août 1861. Il ajoute dans une note à ce sujet «N. B. Le jour même de l'envoi de ma lettre et du plan qui l'accompagnait, je fis une visite à M. l'abbé Mermillod, à qui je donnai ma lettre à lire. Il la trouva très-bonne. Quant au plan, que nous n'examinâmes point ensemble, il me dit que, puisque je l'avais remis à la cure, il verrait M. le curé. Trois mois après, M. le pasteur B... me prit la main, à la sortie d'une assemblée religieuse, en me disant qu'il était chargé de me remercier de la part du comité

1 Lettre du ministre Claparède à Mgr de Bonnechose.

de l'Alliance évangélique; il ajouta : « Quant à ce que « vous demandez d'admettre les points signalés par le << pasteur Moulinié, vous devez savoir que plusieurs « des membres du consistoire rejettent ces doctrines '. « Pour ce qui est des catholiques, il n'y a rien à faire

« avec eux. »>>

« Du reste, je n'ai eu aucune réponse; j'ai même tout lieu de croire que les premiers membres du consistoire de l'Église protestante nationale qui ont lu ma lettre ne l'ont point communiquée à leurs collègues. Plus d'une fois depuis, j'ai eu l'idée de convoquer à une réunion publique les simples laïques des diverses communions chrétiennes à Genève, de leur faire lecture et de la lettre et du plan dont elle était suivie, en les appelant à délibérer s'ils ne jugeraient pas convenable dans cette affaire de prendre eux-mêmes l'initiative. »

Voilà de nouveau le recours aux laïques contre les pasteurs; et, cette fois, c'est un pasteur même, à la fin de sa carrière, qui désespère de la bonne volonté ou de la force d'âme de ses collègues et pense trouver plus de zèle, plus d'esprit de conciliation auprès des laïques.

Toutefois, en allant ainsi frapper à toutes les portes, on risque de ne pas ouvrir la bonne. En Angleterre il s'était formé une « Association pour l'avancement de l'unité de la chrétienté » ; elle fit bientôt fausse route et dut être désapprouvée par un décret de la congrégation romaine du 16 septembre 1864. Un rapport officiel de cette association portait le nombre des membres

1 Ces points étaient : 1o Péché originel; 2o Nécessité du sacrifice expiatoire de Jésus-Christ; 3o Divinité de Jésus-Christ; 4o Nécessité de l'action intérieure de l'Esprit-Saint pour la sanctification.

à 12,684, dont : catholiques, 1,881; Orientaux, 685; anglicans, 10,926; autres protestants, 92.

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Faut-il parler de la récente rencontre des protestants et des vieux catholiques? C'étaient des préparatifs de guerre, et non des désirs d'union. Le 10 août 1879, l'évêque anglican d'Édimbourg, M. Cotterill, prenait part, dans la cathédrale de Berne, enlevée aux catholiques, à ce qu'on appelait une « réunion des Églises avec les deux soi-disant évêques des vieux catholiques allemands et suisses, MM. Reinkens et Herzog, et avec M. Loyson. Le lieu même de cette Assemblée, tenue dans la propriété d'autrui, et le nom des personnages signifiaient révolte et désordre bien plus que paix et concorde. Pour ne pas y insister, je passe à des faits antérieurs analogues, sur lesquels Mgr Rendu s'est exprimé ainsi dans sa Lettre au roi de Prusse :

« Un jour, on entend raconter qu'un prêtre de l'Église romaine, mécontent de son évêque, a brisé les liens qui l'unissaient à lui. Descendu des montagnes de la Silésie, Ronge (c'est son nom) déclare à l'univers qu'il va fonder une Église catholique allemande, à peu près comme un nommé Châtel avait tenté de former une

Église catholique française. A ce seul mot de catholique, qui semblait devoir réunir le sentiment de nationalité à celui de l'universalité de doctrine, les cœurs se sont émus. On se réunit autour du prophète, on l'écoute, on espère que ses paroles feront couler dans les consciences la sécurité tant désirée. Vain espoir! Après avoir pesé l'homme et ses doctrines, on ne tarde pas à s'apercevoir qu'un nouveau charlatan est venu, après mille autres, demander au public de s'associer à la vengeance de ses disgrâces. Dès lors il n'est plus suivi que par les protestants, à qui ce mot

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