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enfance; suivons-le maintenant sur le champ de bataille, au combat.

XIV. L'orateur doit s'occuper de trois choses, de l'invention, de la disposition, de l'élocution 4. Nous dirons en quoi consiste la perfection dans chacune de ces parties, mais sans nous astreindre à la méthode vulgaire. Nous n'établirons aucune règle; tel n'est pas notre but: nous tracerons seulement l'idée de la parfaite éloquence : nous ne dirons pas comment on peut l'acquérir, mais nous la peindrons telle que nous la concevons.

Nous nous arrêterons peu sur les deux premières parties. Si, en effet, elles sont moins l'accessoire que le fond même de l'éloquence, elles sont cependant communes à d'autres études. Il est vrai qu'inventer et choisir sont à l'éloquence ce que l'âme est au corps; cependant, quelque importantes que soient ces qualités, elles appartiennent plutôt au jugement qu'à l'éloquence; et cependant quelle est la cause où le jugement ne soit nécessaire? Il faut donc que l'orateur parfait que nous cherchons connaisse les sources des argumens et des preuves. Or, tout ce qui peut être l'objet d'une question, d'une dissertation, se réduit à savoir si la chose est, de quelle nature elle est, quelles en sont les qualités 42: on connaît par les indices si la chose est; ce quelle est, par les définitions; ses qualités enfin, par les idées du bien et du mal. Pour embrasser tout cela, le véritable orateur ne se renfermera pas dans les circonstances des personnes, du temps. En remontant du particulier au général; il s'ouvre un plus vaste champ, et la preuve générale bien établie devient la preuve particulière. Or, la question séparée des circonstances

sed ad copiam rhetorum, in utramque partem, ut ornatius et uberius dici posset, exercuit; idemque locos (sic enim appellat) quasi argumentorum notas, tradidit, unde omnis in utramque partem traheretur oratio.

XV. Facile igitur hic noster (non enim declamatorem aliquem de ludo, aut rabulam de foro, sed doctissimum et perfectissimum quærimus), quoniam loci certi traduntur, percurret omnes; utetur aptis generatim; discet, ex quo emanent etiam, qui communes appellantur loci. Nec vero utetur imprudenter hac copia, sed omnia expendet et seliget. Non enim semper, nec in omnibus causis, ex iisdem eadem argumentorum momenta sunt. Judicium igitur adhibebit; nec inveniet solum quid dicat, sed etiam expendet. Nihil enim est feracius ingeniis, iis præsertim, quæ disciplinis exculta sunt. Sed ut segetes fecundæ et uberes non solum fruges, verum herbas etiam effundunt inimicissimas frugibus: sic interdum ex illis locis, aut levia quædam, aut causis aliena, aut non utilia gignuntur; quorum ab oratoris judicio delectus magnus adhibebitur. Alioqui quonam modo ille in bonis hærebit et habitabit suis? aut molliet dura, aut occultabit, quæ dilui non poterunt, atque omnino opprimet, si licebit? aut abducet animos, aut aliud afferet, quod oppositum probabilius sit, quam illud, quod obstabit?

du temps et des personnes, et ramenée du particulier au général, s'appelle thèse. C'est d'après cette méthode qu'Aristote exerçait ses disciples à parler pour et contre, non avec la sécheresse des philosophes, mais avec l'abondance des rhéteurs, pour leur donner de la richesse, de la fécondité. Aristote a fait un livre des lieux (c'est son expression) où l'orateur peut puiser toutes les preuves pour et contre.

XV. Notre orateur (nous ne parlons toujours, ni d'un déclamateur des écoles ni de quelque misérable avocat, mais bien de l'orateur parfait) trouvera donc sans peine dans les lieux que nous fournissent les rhéteurs, ceux qui conviendront à son sujet, et reconnaîtra même la source véritable de ces lieux communs. Mais il n'abusera pas de ces richesses; il n'y puisera qu'avec mesure et discernement; car les mêmes genres de preuves ne conviennent pas à tous les temps, à toutes les causes. Le jugement devra être son guide; il ne suffira pas de trouver les argumens, il faudra aussi les peser. Quoi de plus fécond que l'esprit de l'homme, surtout quand il est cultivé par l'étude? Mais comme les terres les plus fertiles produisent à la fois et le bon grain et les herbes funestes au bon grain, ainsi de ces lieux communs peuvent naître des pensées frivoles, étrangères au sujet, inutiles 43; ce qui exige de la part de l'orateur beaucoup de discernement. Sans cela comment s'arrêter, se fixer aux bonnes preuves? comment adoucir ce qui pourrait être choquant, dissimuler, supprimer même ce qu'il serait impossible de réfuter? Comment détourner l'attention des esprits, et présenter d'autres preuves plus fortes en apparence que celles qu'on aurait à détruire?

Jam vero ea, quæ invenerit, qua diligentia collocabit? quoniam id secundum erat de tribus. Vestibula nimirum honesta, aditusque ad causam faciet illustres : quumque animos prima aggressione occupaverit, infirmabit, excludetque contraria; de firmissimis alia prima ponet, alia postrema, inculcabitque leviora.

Atque in primis duabus dicendi partibus qualis esset, summatim breviterque descripsimus. Sed, ut ante dictum in his partibus (etsi graves atque magnæ sunt) minus et artis est, et laboris.

est,

XVI. Quum autem, quid et quo loco dicat, invenerit, illud est longe maximum, videre, quonam modo. Scitum est enim, quod Carneades noster dicere solebat, Clitomachum eadem dicere, Charmadam autem eodem etiam modo dicere. Quod si in philosophia tantum interest, quemadmodum dicas, ubi res spectatur, non verba penduntur : quid tandem in causis existimandum est, quibus totis moderatur oratio? Quod quidem ego, Brute, ex tuis litteris sentiebam, non te id scitari, qualem ego in inveniendo et in collocando summum esse oratorem vellem; sed id mihi quærere videbare, quod genus ipsius orationis optimum judicarem. Rem difficilem (dii immortales!), atque omnium difficillimam. Nam quum est oratio mollis, et tenera, et ita flexibilis, ut sequatur, quocumque torqueas: tum et naturæ variæ, et voluntates, multum inter se distantia effecerunt genera dicendi.

Les idées une fois trouvées, comment les distribuer? c'est la seconde des trois fonctions de l'orateur. Que son exorde ait de la dignité, et ce qui servira d'introduction à sa cause, de la grandeur, de l'éclat; qu'après s'être emparé des esprits par une première attaque, il affaiblisse, il détruise les moyens de son adversaire; que, des preuves les plus fortes, il choisisse les unes pour le commencement, les autres pour la fin; et qu'il mette au milieu les plus faibles.

Voilà en peu de mots les deux premières parties de l'art oratoire. Mais, nous l'avons déjà remarqué, ces parties, quoique très importantes, demandent moins d'art et d'étude.

XVI. Quand l'orateur est fixé sur l'invention et la disposition, il lui reste à remplir le plus important de ses devoirs, l'élocution. Voici un mot fort sensé de notre ami Carnéade 44, sur Clitomaque : - Clitomaque dit toujours les mêmes choses, Charmadas les mêmes choses en mêmes termes. Or, s'il est indispensable de prendre garde à ses expressions dans la philosophie, où cependant l'on s'occupe des choses plus que des mots, quelle attention ne doit-on pas apporter au style d'un discours, où l'élocution est la partie essentielle? aussi ai-je compris par vos lettres, Brutus, que vous ne me demandez pas mon sentiment sur ce qui constitue l'orateur parfait dans l'invention et la disposition; mais vous voulez savoir, je pense, en quoi je fais consister le meilleur genre d'élocution. C'est assurément une question difficile, la plus difficile de toutes. En effet, le langage est quelque chose de si délicat, de si souple, de si flexible, qu'il se prête à tous les caprices : puis la différence des esprits et des goûts a dû produire différens caractères de style.

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