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« païens, les États se sont constitués sans tenir aucun a compte ni de Dieu, ni de l'ordre établi par lui... « Les vérités surnaturelles de la foi étant combattues « et rejetées comme contraires à la raison, l'Auteur « même et le Rédempteur du genre humain est insen«siblement et par degrés banni des universités, des lycées, des gymnases et de toute habitude publique « de la vie humaine. Enfin les récompenses et les peines futures de la vie éternelle étant livrées à l'oubli, le désir ardent du bonheur a été circonscrit « dans les limites du temps présent. Ces doctrines « partout répandues, cette extrême licence de pensée << et d'action introduite en tous lieux, il n'est pas éton<< nant que des hommes de condition plus infime, «lassés de la pauvreté de leur demeure ou de leur petit atelier, brûlent d'envahir les palais et la for<< tune des riches; il n'est pas étonnant qu'il n'y ait plus aucune tranquillité dans la vie publique ou privée, et que le genre humain soit presque arrivé « au bord de l'abîme...

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« Malheureusement, ceux qui sont chargés de veiller « au bien public, trompés par les ruses des impies et effrayés par leurs menaces, ont constamment fait

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« preuve de défiance et même d'injustice envers l'Église, ne comprenant pas que tous les efforts des sectes auraient été impuissants, si la doctrine de l'Église catholique et l'autorité des pontifes ro<< mains avaient été toujours dûment respectées par les princes et par les peuples. Car c'est l'Église du "Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité » a (I Tim., III, 13), qui enseigne les doctrines et les prina cipes dont la vertu est d'assurer entièrement l'exis<< tence et la tranquillité de la société, et de déra

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« ciner complétement tous les germes funestes du « socialisme 1. »

Déjà les solennels avertissements de l'auguste pontife ont porté leurs fruits. La politique contemporaine commence à revenir de ses écarts. L'homme qui tient dans sa rude main les destinées de l'Allemagne et pensait y tenir aussi celles de l'Europe, s'est aperçu tout à coup qu'il faisait fausse route dans la question religieuse. Pendant qu'il dirigeait toutes les forces du pouvoir à la destruction de l'Église catholique, le flot du socialisme montait, menaçait d'emporter le trône, préparait au vieux monarque de Berlin une fin tragique semblable à celle de l'empereur de Russie. Alors une première lueur traverse l'esprit du grand chancelier : il déclare à la tribune parlementaire que les francsmaçons lui paraissent plus dangereux que les Jésuites. Puis vient cet étonnant recours au Pape pour la pacification d'un conflit international. Cet arbitrage suprême, que les siècles chrétiens aimaient à confier au SaintSiége, est remis en honneur et à profit par la plus forte puissance protestante du dix-neuvième siècle. Enfin les droits de l'Église s'imposent l'autorité spirituelle du Souverain Pontife est reconnue, et par contre-coup la nécessité de son indépendance temporelle; ce n'est plus à un parlement, jaloux de faire acte de suprématie, que le grand chancelier abandonne le règlement du désastreux conflit religieux, il en négocie les conditions avec le seul pouvoir capable de trancher ces questions de l'âme. Léon XIII, au sein de sa captivité, a la consolation de voir les nations tourner les regards vers son trône, pierre angulaire de l'édifice social, et

1 Lettre encyclique de S. S. Léon XIII, du 28 décembre 1878.

nous pouvons saluer avec le glorieux pontife l'aurore du triomphe qu'il a célébré dans le langage prophétique de la poésie : « Auspicatur Ecclesiæ triumphus'.

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1 Titre d'une poésie de Léon XIII.

CHAPITRE VII

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Tendances au catholicisme parmi les jeunes gens de Genève. Objection des abus. Rapport logique entre les croyances et la conduite pour les individus et les sociétés. Aveux d'un professeur de la Faculté de Montauban. Exemple des saints Témoignage du cardinal Newman.

dans le catholicisme.

Il y a plus de tendances que l'on ne croit, parmi nos frères protestants, vers le catholicisme. Bien des âmes sont ébranlées, et, à Genève en particulier, il n'est pas difficile de recueillir l'aveu de leurs angoisses. Pour ne rien dire qui puisse paraître une indiscrétion, je citerai seulement ici le témoignage public d'un ministre libéral, M. Aug. Chantre, avec qui l'on vient de faire connaissance dans le précédent chapitre à propos de son catéchisme. M. Chantre écrivait le 2 mai 1885 dans l'organe religieux de son parti : ...Il y a longtemps que nous saisissons les signes d'une évolution qui s'opère chez quelques Génevois orthodoxes; ils n'ont plus l'esprit huguenot; ils ont perdu le sentiment qui fit de nos pères des héros, le sentiment que le protestantisme, c'est avant tout la rupture avec Rome, et que Genève sera protestante dans ce sens ou qu'elle ne sera plus. On pense qu'une entente, un rapprochement avec les ultramontains pourraient produire de bons fruits. - Si nous disions ici le nom de l'homme qui nous a proposé un jour, à nous-même, de nouer des relations

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avec M. Mermillod et d'essayer de faire quelque œuvre commune avec lui, nous provoquerions dans Genève et dans le protestantisme un scandable épouvantable. On recueille aujourd'hui de temps à autre des rumeurs étranges. C'est un homme, puissant bailleur de fonds pour les œuvres orthodoxes, qui s'écrie dans un comité : « Les adversaires, ce ne sont pas les ultramontains, ce << sont les protestants libéraux ! » Un autre, fort monté naguère contre tel membre de notre aristocratie, qui a passé au catholicisme, dira maintenant : « Les motifs qui l'ont dirigé sont, en tout cas, respectables, ils se « comprennent; on a tort de lui tenir rigueur. » Des jeunes gens, oui, des jeunes gens, c'est grave, parce — qu'ils n'ont pas trouvé cela d'eux-mêmes; ils sont l'écho de ce qu'ils entendent dans les cercles qu'ils fréquentent, émettront l'opinion que le protestantisme libéral n'est pas une religion, mais que le catholicisme, avec quelques abus, en est pourtant une1... >>

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Il ne s'agit en tout cela que d'aspirations isolées, et surtout laïques. Comme nous avons eu déjà lieu de le remarquer, le protestantisme, en tant que corps officiel, reste emprisonné doublement dans le rempart national et dans la tradition autoritaire de ses ministres : le ton avec lequel M. le ministre Chantre dénonce les tendances des jeunes gens de Genève en est une nouvelle preuve. Ces jeunes gens, dit-il, « émettront l'opinion que le protestantisme libéral n'est pas une religion, mais que le catholicisme, avec quelques abus, en est pourtant une ». En ce qui concerne le protestantisme libéral, ils sont d'accord avec ce qu'écrivait, il y a vingt-cinq ans, un ancien professeur de théologie

1 Alliance libérale de Genève, numéro du 2 mai 1885.

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