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ment la vérité, ni le cœur qui veut assurer positivement son bonheur, ni les besoins de l'ordre social présent, ni les intérêts de l'éternité qui dominent tout.

La foi catholique, de quelque côté qu'on l'aborde, apparaît comme une citadelle élevée sur le roc de la montagne, visible à tous les regards, accessible à tous les pas, inébranlable devant toutes les critiques les plus pénétrantes, majestueuse dans l'harmonie de ses proportions, resplendissante des pures lumières de l'Évangile, pleine de tous les trésors auxquels doivent aspirer l'esprit et le cœur de l'homme, la famille et la société, pour ce monde et pour la vie future.

Cette double thèse est démontrée depuis des siècles par toutes les autorités de la science théologique et de laphilosophie, par les aveux des protestants eux-mêmes, et par la logique des événements, qui est une preuve de fait, la plus frappante pour la masse du peuple : l'état de dissolution où se trouve le protestantisme actuel parle plus haut que tous les raisonnements. Après tant de voix éloquentes, je pourrais paraître présomptueux de faire entendre la mienne, qui ne vaut pas la peine d'être nommée. Mon excuse sera, d'une part, le soin de m'appuyer constamment sur des témoignages d'une valeur incontestée, d'autre part, cette parole d'un grand publiciste français : « C'est la gloire de l'homme qu'il ne peut voir la « vérité sans l'aimer, ni l'aimer sans vouloir la com<«< muniquer aux autres comme une loi suprême et la « volonté même de Dieu '. »

Je sais que les multitudes, en nos jours, courent après d'autres biens que ceux de la religion. Mais

1 E. LABOULAYE, la Liberté religieuse, p. 4.

cette tendance même est pleine de conséquences effrayantes, et c'est ce qui ramène la question religieuse à la base de tous les grands problèmes sociaux qui s'agitent. La solution ne se trouvera que dans le catholicisme. Le 1er mai 1845, Victor de Laprade, l'illustre poëte et académicien, assistait à la bénédiction donnée Urbi et Orbi par le pape Grégoire XVI du haut du balcon de la basilique de Saint-Jean de Latran. Ce spectacle sublime lui ouvrit un de ces aperçus profonds, propres aux grands esprits; il écrivit :

« .....Le catholicisme a conservé la vie du cœur ; et n'est-ce pas par le cœur que tout vit? Aucune autre puissance n'est douée de cette vie morale, de ce sentiment d'amour, de cette force de bénédiction, en un mot de cette charité qui est en lui. Or la science sans charité, l'industrie sans charité, n'enfanteront que le mal. Qui pourra remédier à ce mal, sinon le catholicisme? La charité, l'amour à l'état religieux, n'est nulle part ailleurs organisé et vivant..... Le catholicisme seul sera dans l'avenir l'asile de la liberté et de l'individualité humaine contre le socialisme oppresseur; lui seul conservera les droits du sentiment et même de . l'imagination dans la société matérialiste et positive que l'industrialisme nous prépare. Il redeviendra dans le monde ce qu'il a été en commençant, une minorité d'hommes pleins de foi et pleins de pureté, une minorité fortement organisée, et il sera le point d'appui de tous ceux qui combattent pour la liberté contre le despotisme du nombre, pour l'esprit contre la chair, pour la raison et pour l'idéal contre les passions et les intérêts1.»> Assurément la religion est avant tout une affaire per

1 Victor de Laprade, par E. BIRÉ, p. 129. (Paris, 1886.)

sonnelle, l'intérêt premier de l'âme. Il servirait de peu à l'homme de voir une société parfaitement organisée, heureuse et sage, s'il se prépare à lui-même un malheur éternel. Néanmoins il arrive que même ceux qui négligent la religion pour leur propre compte sentent la nécessité de la mettre en honneur dans la société. C'est ce point de vue que développe un publiciste français déjà cité :

« Jamais l'importance civile de la religion n'a été plus sensible qu'aujourd'hui. En tout pays, la richesse s'accroît de telle façon qu'on s'en effraye, et non pas sans raison. De soi la richesse est indifférente; c'est un instrument pour le bien comme pour le mal. Si l'on en use dans un esprit chrétien pour moraliser l'industrie, pour soulager d'incurables misères, pour répandre à pleines mains l'éducation et le travail, la prospérité publique est un bienfait. Mais si la religion ne sert pas de contre-poids à l'argent, si l'on s'abandonne à la facilité des jouissances matérielles, si l'on ne fait qu'abaisser et corrompre les âmes en allumant partout la soif du luxe et la fureur du jeu, si enfin, en irritant la passion du riche et la fureur du pauvre, la fortune remue ce fonds sauvage que chacun a dans le cœur, alors toute cette richesse n'est qu'une malédiction, et le châtiment est prochain.

« On voit quelle est la grandeur du problème, il ne faut pas craindre de l'envisager..... Notre devise en ce point est celle de Goethe. Toute erreur est un mal qui s'accroît par la durée : « Ne nous lassons pas de combattre l'erreur, car elle ne se lasse pas d'agir'. Toutefois, le combat contre l'erreur n'est pas le

1 E. LABOULAYE, la Liberté religieuse, p. 78.

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combat contre ceux qui sont dans l'erreur. La règle de S. Augustin: « Détruisez l'erreur, mais aimez les hommes!» sera le guide constant de ma pensée dans ces pages. Le sujet est grave; il sera traité sans autre recherche que celle de la vérité.

M. de Pressensé dit quelque part : « La peur des questions sérieuses est une forme de l'incrédulité. » J'espère qu'une telle peur n'arrêtera personne à l'entrée ou à mi-chemin de ce livre.

CHAPITRE II

État actuel du protestantisme à Genève, en Angleterre, en Suède et Norwége, en Allemagne et en France. - Divisions irréconciliables entre orthodoxes et libéraux; déclarations des uns et des autres. — Immortalité conditionnelle. — Principe essentiel du protestantisme d'après la Société pastorale suisse. — Conversions de ministres anglicans et de théologiens luthériens. Décadence avouée du protestantisme. Crainte exprimée par les ministres de voir leurs adhérents passer au catholicisme. Vain espoir d'un avenir meilleur.

Bien des protestants soupçonnent les catholiques de les considérer avec hauteur et dédain. C'est une opinion dont j'ai eu souvent les échos; elle se rencontre surtout chez les personnes qui suivent les polémiques religieuses. En voyant les écrivains catholiques mettre en relief les inconséquences et les luttes intestines du protestantisme, elles s'imaginent qu'ils poursuivent le méchant plaisir de vouloir bafouer un adversaire. C'est une grande erreur. Si un accent d'âpreté éclate parfois dans un écrit, il s'adresse à la doctrine; il ne vise ni n'atteint les personnes. Nous disons avec saint Paul (II° aux Cor., v, 13) : « Si nous sommes emportés comme hors de nous-mêmes, c'est pour Dieu; si nous sommes plus retenus, c'est pour vous, parce que la charité de Dieu nous presse. » Vinet, l'un des ministres les plus découragés de ce siècle, a pu dire que le protestantisme n'est plus une religion : « Il y a des protestants, il n'y a plus de protestan

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