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Vatican.

CHAPITRE IV

Invitation de Pie IX aux Églises protestantes avant le Concile du Réponses officielles du clergé anglican, de la Compagnie des pasteurs de Genève, du Conseil ecclésiastique supérieur de Berlin. Sentiments meilleurs dans le peuple. Conversion d'un professeur à l'Université de Geneva; exposé de ses motifs par lui-même.

Il y a, sans doute, un miséricordieux dessein de la Providence dans ce fait que le protestantisme et le catholicisme, malgré leur douloureuse division, n'ont jamais pu se désintéresser l'un de l'autre. Nous oublions presque le mahométisme, bien qu'il se soit aussi détaché de l'Église et qu'il compte plus de millions d'àmes que le schisme du seizième siecle. Mais, entre ce dernier et nous, on ne peut se résigner à voir une séparation irrévocable. C'est comme une mésintelligence de famille qui doit prendre fin dans une réconciliation prochaine. Trois siècles et demi d'hostilités, parfois bien vives, n'ont pu nous déshabituer d'appeler nos adversaires des frères séparés. Et, de leur côté, ils tiennent le regard fixé sur notre Église comme sur un domaine qui leur appartiendrait encore et dans lequel ils rentreraient volontiers, sans quelques obstacles qui leur paraissent insurmontables. L'obstacle n'est pourtant pas si grand, puisqu'il est chaque jour aisément franchi par de nobles âmes qui, de tous les rangs de la société, reviennent à la foi de leurs an

cêtres. Le chemin reste ouvert; il est comme jalonné par le cortège ininterrompu de conversions célèbres et par les tentatives de rapprochements qui partent tour à tour de l'Église romaine et des rangs protestants eux-mêmes. L'un des appels, à la fois le plus touchant et le plus solennel, fut la lettre que Pie IX adressa, avant le concile du Vatican, à toutes les Églises séparées, les conjurant au nom de Jésus-Christ de rentrer dans l'unité et la vérité. Ce magnifique document doit d'autant plus prendre place ici qu'il a déterminé la conversion d'un savant professeur américain, dont nous aurons à entendre les hautes et solides raisons. Voici la parole de Pie IX :

« Excité et pressé par la charité de Notre-Seigneur JésusChrist, qui a livré sa vie pour le salut de tout le genre humain, Nous ne pouvons Nous empêcher, à l'occasion du futur Concile, d'adresser Nos paroles apostoliques et paternelles à tous ceux qui, bien que reconnaissant le même Jésus-Christ pour Rédempteur et se glorifiant du nom de chrétiens, cependant ne professent pas la vraie foi de JésusChrist et ne suivent pas la communion de l'Église catholique. Et Nous faisons cela pour les avertir, les conjurer et les supplier, de toute l'ardeur de Notre zèle et en toute charité, de vouloir bien considérer et examiner sérieusement s'ils suivent la voie tracée par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur et qui conduit au salut éternel.

« Personne ne peut nier ni mettre en doute que JésusChrist lui-même, afin d'appliquer les fruits de sa rédemption à toutes les générations humaines, a bâti sur Pierre en ce monde son unique Église, c'est-à-dire l'Église une, sainte, catholique, apostolique, et qu'il lui a donné toute la puissance nécessaire pour que le dépôt de la foi fût conservé inviolable et intact, et que la même foi fût enseignée à tous les peuples, à toutes les races et à toutes les nations; pour que tous les hommes devinssent par le baptême des membres

de son corps mystique, et qu'en eux fût toujours conservée et rendue plus parfaite cette vie nouvelle de la grâce, sans laquelle personne ne peut mériter et obtenir la vie éternelle; enfin, pour que cette même Église, qui constitue son corps mystique, demeurât toujours stable et immobile dans sa propre nature jusqu'à la consommation des siècles, pour qu'elle vécût florissante et fût en état de fournir à tous ses enfants tous les moyens de faire leur salut. Or, quiconque veut examiner avec soin et méditer la condition où se trouvent les diverses sociétés religieuses divisées entre elles et séparées de l'Eglise catholique qui, depuis Notre-Seigneur Jésus-Christ et ses Apôtres, a toujours exercé par ses pasteurs légitimes et exerce encore maintenant le pouvoir divin qui lui a été donné par le même Notre-Seigneur, celui-là devra se convaincre facilement que ni aucune de ces sociétés, ni toutes ensemble ne constituent en aucune façon et ne sont cette Église une et catholique que Notre-Seigneur a fondée et bâtie, et qu'il a voulu créer. Et l'on ne peut pas dire non plus en aucune façon que ces sociétés soient ni un membre ni une partie de cette même Église, puisqu'elles sont visiblement séparées de l'unité catholique. Car des sociétés pareilles étant dépourvues de cette autorité vivante et établie par Dieu qui enseigne surtout aux hommes les choses de la foi et la discipline des mœurs, et qui sert de règle en tout ce qui regarde le salut éternel, elles ont constamment varié dans leurs doctrines, et ce changement et cette instabilité dans ces sociétés ne cessent jamais. Chacun donc comprend parfaitement, chacun voit clairement et manifestement que cela est en opposition complète avec l'Église instituée par Notre-Seigneur, puisque dans cette Église la vérité doit toujours demeurer stable et inaccessible à tout changement, afin de conserver absolument intact le dépôt qui lui a été confié et pour la garde duquel la présence et le secours du Saint-Esprit lui ont été promis à jamais. Il n'est personne non plus qui ignore que ces dissensions de doctrines et d'opinions ont donné naissance à des schismes sociaux, qui ont enfanté eux-mêmes des communions et des sectes sans nombre, lesquelles se propagent tous les

jours au grand détriment de la société chrétienne et civile.

«En effet, quiconque reconnaît que la religion est le fondement de la société humaine ne peut pas méconnaître et nier avec quelle puissance cette division de principes, celte opposition et cette lutte de sociétés religieuses entre elles, agissent sur la société civile, et avec quelle violence cette négation de l'autorité établie par Dieu pour gouverner les croyances de l'esprit humain et pour diriger les actions de l'homme, aussi bien dans sa vie privée que dans sa vie sociale, à soulevé, propagé et entretenu ces changements déplorables des choses et des temps, ces troubles qui bouleversent et accablent aujourd'hui presque tous les peuples.

« Que tous ceux donc qui ne possèdent pas l'unité et la vérité de l'Église catholique saisissent l'occasion de ce Concile, où l'Église catholique, à laquelle appartenaient leurs pères, montre une nouvelle preuve de sa profonde unité et de son invincible vitalité, et que, satisfaisant leur cœur, ils s'efforcent de sortir de cet état dans lequel ils ne peuvent être rassurés sur leur propre salut. Et qu'ils ne cessent point d'offrir les plus ferventes prières au Dieu des miséricordes, afin qu'il renverse le mur de division, qu'il dissipe les ténèbres des erreurs, et qu'il les ramène à la sainte Mère Église, dans le sein de laquelle leurs pères ont trouvé les salutaires pâturages de la vie, dans laquelle seule se conserve et se transmet entière la doctrine de Jésus-Christ, et se dispensent les mystères de la grâce céleste.

« Pour Nous, à qui le même Christ Notre-Seigneur a confié la charge du suprême Ministère apostolique, et qui devons, par conséquent, remplir avec le plus grand zèle toutes les fonctions d'un bon pasteur, et aimer d'un amour paternel et embrasser dans Notre charité tous les hommes répandus sur la terre, Nous adressons cette Lettre à tous les chrétiens séparés de Nous, et Nous les exhortons encore et conjurons de revenir en hâte à l'unique bercail du Christ. Car Nous désirons ardemment leur salut en Jésus-Christ, et Nous craindrions d'avoir un jour à lui rendre compte, à lui qui est Notre Juge, si Nous ne leur montrions pas, et si Nous ne leur donnions pas autant qu'il est en Nous le moyen

assuré de reconnaître la voie qui conduit au salut éternel. Dans toutes Nos prières, suppliant et rendant des actions de grâces, Nous ne cessons, ni le jour ni la nuit, de demander pour eux humblement et avec instance, au Pasteur éternel des âmes, l'abondance des lumières et des grâces célestes. Et comme, malgré Notre indignité, Nous sommes Son Vicaire sur la terre, les mains étendues, Nous attendons avec le désir le plus ardent le retour de Nos fils errants à l'Église catholique, afin de pouvoir les recevoir avec amour dans la maison du Père céleste et les enrichir de ses inépuisables trésors. De ce retour si désiré à la vérité et à la communion

avec l'Église catholique, dépend non-seulement le salut des individus, mais encore de toute la société chrétienne; le monde entier ne peut jouir de la paix véritable, s'il ne devient un seul troupeau sous un seul pasteur. »

Quelle fut la réponse des protestants à cette invitation si pleine de cœur et d'évangélique charité? Il parut d'abord, en latin, une responsio anglicana, dans laquelle le clergé anglican repoussait la main tendue sous le prétexte que Pie IX ne regardait pas comme évêques véritables les évêques anglicans. En effet, le Pape ne pouvait ni les considérer ni les convoquer comme évêques : ils ne le sont pas. Cette question a été étudiée et approfondie depuis des siècles; il est démontré avec toute la certitude possible que l'ordination sacrée a été perdue dans le schisme de l'Angleterre, et qu'il n'y a plus ni sacerdoce réel ni épiscopat, malgré tous les titres conservés par les ministres. « Vaine excuse donc que celle de l'anglicanisme, répondait Mgr Plantier; c'est celle d'une injuste susceptibilité qui se fâche, ce n'est pas celle d'un droit méconnu qui se plaint. » Pie IX avait invitė les évêques schismatiques de l'Orient, précisément parce qu'il suppose qu'au sein même du schisme, ils

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