་ « « De leur sang qui jaillit les ruisseaux les inondent; Entre eux point de traité: dans de lointains déserts Le vaincu désolé va cacher ses revers, Va pleurer d'un rival la victoire insolente, <«<La perte de sa gloire, et sur tout d'une amante; ९ << Et, vers ces bords chéris tournant encor les yeux, «Abandonne l'empire où régnoient ses ayeux. << Mais l'amour le poursuit jusqu'en ces lieux sauvages: « Là, dormant sur des rocs, nourri d'amers feuillages, <«< Furieux, il s'exerce à venger ses affronts; ९ " « De ses dards tortueux il attaque les troncs; Son front combat les vents, son pied combat la plaine, Et sous ses bonds fougueux il fait voler l'arène. Mais c'en est fait; il part, et, bouillant de désirs, * De l'orgueilleux vainqueur va troubler les plaisirs. « Tel, par un pli léger ridant le sein de l'onde, Un flot de loin blanchit, s'allonge, s'enfle et gronde: « Soudain le mont liquide, élevé dans les airs, <<< Retombe; un noir limon bouillonne sur les mers. «Le noir peuple des ours sème au loin le trépas; " Alors le tygre affreux ravage la Lybie: « Malheur au voyageur errant dans la Nubie! » (Note de l'auteur.) (6) Et s'en retourne enfin, seule et désespérée. Je n'ai pas prétendu m'approprier ce vers de Racine; mais j'ai cru pouvoir l'employer dans un morceau où je conseille au peintre des champs, pour rendre les animaux plus intéressans, de leur prêter nos penchans et nos passions. Tout le monde sait que ce vers a été mis par Racine dans la bouche de Clytemnestre, disputant sa fille à l'ambition de son époux. (Note de l'auteur.) (7) Quel cœur n'est point ému de ses tendres regrets! LUCRETII DE RERUM NATURA; lib. 11. " Nam sæpe ante Deum vitulus delubra decora Thuricremas propter mactatus concidit aras, «Sanguinis exspirans calidum de pectore flumen: « At mater virides saltus orbata peragrans, « Linquit humi pedibus vestigia pressa bisulcis, «Omnia convisens oculis loca, si queat usquam << Conspicere amissum fœtum; completque querelis Frondiferum nemus adsistens; et crebra revisit Ad stabulum, desiderio perfixa juvenci. « Nec teneræ salices, atque herbæ rore vigentes, " Oblectare animum, subitamque avertere curam: Nec vitulorum aliæ, species per pabula læta Derivare queunt alio, curaque levare: « Usque adeo quiddam proprium, notumque requirit, Traduction, par M. le Blanc de Guillet. " Non jamais dans leur cœur nul trait ne s'en efface. Lorsqu'un jeune taureau, frappé d'un coup mortel, Sous le couteau sacré tombe au pied de l'autel, Sa mère, non plus mère, errante, désolée S'égare dans les bois, éperdue, isolée. La trace de ses pas est marquée en tous lieux. peut être caché l'objet de sa tendresse? Où peut " Toute à ce souvenir, elle revient sans cesse " ९ Dés pâtis à son toit, de son toit aux pâtis, Par ses cris douloureux tour à tour attendris. « Plus de goût pour les fleurs, pour la tendre feuillée, " «< Des perles du matin vainement émaillée. Ni les gazons naissans, ni le cristal des eaux, Ni les jeux, les combats d'autres jeunes taureaux, Rien n'offre qu'un vain charme à sa douleur secrette, Rien ne rend à son cœur le fils qu'elle regrette, « Ce fils si bien gravé dans ce cœur gémissant. (8) O champs de la Limagne! ô fortuné séjour! Sidonius Apollinaris, liv. IV, epist. 21, fait de la Limagne la belle description que l'on a cru devoir donner ici. Taceo territorium viatoribus molle, fructuosum aratoribus, venatoribus voluptuosum; quod montium cingant dorsa pascuis, latera vinetis, terreną villis, saxosa castellis, opaca lustris, aperta culturis, concava fontibus, abrupta fluminibus; quod denique hujusmodi est, ut semel visum, advenis multis, patriæ oblivionem sæpe persuadeat. Le roi Childebert avoit coutume de dire, « qu'il ne désiroit qu'une chose avant « que de mourir, qui étoit de voir cette belle Limagne, qu'on dit être le chef-d'œuvre de la nature, et une espèce d'enchantement. >> « La Limagne, qui est la patrie de l'auteur, a aussi été celle de Pascal, de Domat, de Savaron, Guébriard, Sirmond, Marmontel, Thomas, etc. (Note de l'auteur.) (9) Là des fripons gagés surveillent leurs complices. On sait que dans toutes les grandes villes la police emploie souvent des fripons pour découvrir des friponneries. (Note de l'auteur.) ९ (10) Du bout de son allée apercevoit Paris. de Adieu donc Paris! ville célèbre, ville de bruit, " fumée et de boue; où les femmes ne croient plus à « l'honneur, ni les hommes à la vertu! Adieu, Paris! << nous cherchons l'amour, le bonheur, l'innocence; nous ne serons jamais assez loin de toi. » ÉMILE, liv. IV. Rousseau décrit dans plusieurs passages de ses œuvres les sensations vives et douces avec lesquelles il se plai soit à opposer au spectacle de Paris les images fraîches et riantes de la nature. (11) Ignorer les humains, et vivre ignoré d'eux. Ces vers sont imités d'Horace, et peut-être ne serafàché de retrouver ici l'imitation qu'en a faite t-on pas le célèbre Despréaux. « O rus, quando ego te aspiciam, quandoque licebit, << Nunc veterum libris, nunc somno et inertibus horis << Ducere sollicitæ jucunda oblivia vitæ ? « « Oblitus cunctorum, obliviscendus et illis ! » « O fortuné séjour! 6 champs aimés des cieux! Que pour jamais foulant vos prés délicieux, « Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde, « Et, connu de vous seuls, oublier tout le monde !» Ces vers, comparés à ceux d'Horace, suffisent pour montrer au lecteur la différence du génie de ces deux poëtes. Elle est d'autant plus sensible, qu'elle se montre dans l'expression très-différente de la même idée et du même sentiment. Boileau, en traduisant Horace, est encore Boileau. Ce poëte, si supérieur à son modèle dans la satyre, n'a jamais eu dans la poësie philosophique, ni sa douceur, ni są grâce, ni son aimable abandon. O fortuné séjour! ô champs aimés des cieux! ne vaut pas la simplicité touchante de ces mots : O champs, quand pourrai-je vous voir? Horace ne |