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HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

ANNE-LOUIS GIRODET.

Parmi les nombreux élèves de David, trois peintres avaient été remarqués d'autant plus, que tous trois avaient une manière différente, et qu'il était difficile de déterminer à laquelle on devait donner la préférence. Gros, Gérard et Girodet semblaient former un triumvirat, et dès que le public s'empressait d'offrir une palme à l'un d'eux, on voyait les deux autres présenter de nouveaux motifs pour la mériter également. Mais la mort vint rompre ce groupe de trois artistes qui auraient pu long-temps encore contribuer à l'ornement des expositions publiques, et la réputation de celui qui venait de disparaître de la scène du monde sembla tout d'un coup s'agrandir, sans pourtant rien diminuer de celle de ses deux émules.

Anne-Louis Girodet de Roussy naquit à Montargis le 5 janvier 1767. Dès son jeune âge, il montra d'heureuses dispositions pour les études et un goût très vif pour le dessin. Ses parens avaient d'abord eu l'intention de faire étudier l'architecture à leur fils, ils eurent ensuite le projet ne lui faire suivre la carrière militaire; mais David, voyant un des dessins de Girodet, dit à sa mère : «Vous aurez beau faire, madame, votre fils sera peintre. » L'opinion de ce maître était sans doute de nature à ébranler la résolution des de Girodet; parens déterminèrent-ils à le placer dans l'école de David.

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NOTICE HISTORIQUE ET CRITIQUE

C'est en 1789 que Girodet remporta le grand prix, dont le sujet était Joseph reconnu par ses frères; l'année d'avant il avait obtenu le second prix. Notre jeune artiste partit bientôt pour Rome, c'est là qu'il exécuta deux de ses tableaux, le Sommeil d'Endymion, et Hippocrate refusant les présens d'Artaxerce. Le premier de ces tableaux, si remarquable par le charme de la pensée, l'élévation du style, l'élégance et la pureté du dessin, eut à Rome un succès prodigieux, et depuis il a toujours conservé une place distinguée parmi les travaux de cet artiste.

Girodet se trouvait à Rome au moment où le consul de France Basseville fut assassiné par la populace, parce que, obéissant aux ordres qu'il avait reçus du gouvernement français, ce ministre voulait faire remplacer l'écu aux fleurs de lis par une allégorie relative à la république. Girodet, resté à l'Académie avec Péquignot et Lafitte, avait encore le pinceau à la main quand le peuple vint assaillir l'Académie et tout briser. Poursuivi à coups de couteau, ce ne fut pas sans peine qu'il échappa aux assassins; mais pourtant il parvint jusqu'à Naples, où il se mit à étudier le paysage.

Les événemens politiques ne permettant pas aux Français de rester encore dans cette partie de l'Italie, Girodet alla à Venise, où les monts Euganéens vinrent lui offrir de nouveaux sujets d'étude. Il était occupé à dessiner un site, lorsque des sbires vinrent l'arrêter. « Après l'avoir dépouillé, garrotté, accablé d'indignes traitemens, un de ces misérables lui demande si l'on célèbre encore des fêtes en France. — Plus que jamais, répondit Girodet; la fête de la victoire revient tous les mois. » C'était en 1794, les Français étaient sans cesse molestés; cependant, sur la demande du ministre Noël, le gouvernement de Venise ne put se refuser à punir l'outrage qu'avait reçu le jeune peintre français. Notre artiste reprit alors la route de Paris, et, à son arrivée, il fit son tableau de

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Danaé, gravé sous le n° 143. Ce tableau ne fut payé que 600 francs : le possesseur en demande maintenant 25,000. On cite beaucoup d'exemples semblables, dans les biographies des artistes anciens, mais il est extraordinaire de voir une telle variation de prix en trente années.

Girodet fit ensuite, pour le roi d'Espagne, quatre tableaux des Saisons. Son talent, apprécié du public, le fut également du gouvernement, et en 1801 il se trouva chargé de faire un tableau pour la Malmaison. Girodet devait là se trouver en concurrence avec M. Gérard; mais, soit hasard, soit avec intention, elle devint complète, puisqu'il traita aussi un sujet ossianique. On se rappelle avec étonnement les beautés de ces deux tableaux : celui de Girodet représentait Fingal et ses descendans recevant dans leurs palais aériens les mânes des héros français. Immédiatement après, Girodet s'occupa de son grand et magnifique tableau représentant une Scène du déluge, qui parut au salon de 1806. Les Funérailles d'Atala parurent en 1808 : ce nouveau chef-d'œuvre fut généralement admiré. Enfin le tableau de Napoléon recevant les clefs de Vienne, qui fut exposé la même année, et celui de la Révolte du Caire, qui parut en 1810, vinrent compléter la série des ouvrages de Girodet, dont la gloire est principalement fondée sur ce qu'il fit pendant ces dix années. Quoique les prix décennaux fondés en 1804 n'aient pas été donnés en 1810, ainsi que cela devait être, Girodet n'en eut pas moins la gloire de voir son tableau du Déluge désigné par le jury comme digne du grand prix : cette distinction lui parut d'autant plus glorieuse, que parmi les autres ouvrages présentés au concours, on remarquait le tableau des Sabines, par David son maître.

La santé de Girodet s'affaiblissait considérablement, et il en éprouvait d'autant plus de chagrin, qu'il avait ressenti que le travail assidu lui était contraire: aussi se vit-il obligé de ne plus s'occuper de grands ouvrages; mais son imagination n'en

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