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ne me convient pas; la guerre seule me plaît. Je n'ai égard ni aux lundis, ni aux mardis. Les semaines, les mois, les années, tout m'est égal. En tout temps, je veux perdre quiconque me nuit. Fussent-ils trois, quelle que soit leur puissance, ils ne gagneront pas sur moi un pouce de terre. Que d'autres cherchent, s'ils veulent, à embellir leurs maisons, et à se faire une vie douce. Pour moi, faire provision de lances, de casques, d'épées, de chevaux, c'est ce que j'aime. A tort ou à droit, je ne cèderai rien de la terre de Haute-Fort: elle est à moi; et on me fera la guerre tant qu'on voudra. »

Remarquez - le, Messieurs. Cette terre de Haute-Fort était située près de Limoges. Rien au monde n'est plus ridicule que les prétentions ou les préjugés de pays; et personne ne croit ces plaisanteries dénigrantes, que les habitans des diverses provinces se renvoient les uns aux autres. Certes, je tiens les habitans de Limoges tout aussi spirituels que ceux du reste de la France; et dans cette réunion nombreuse de jeunes gens venus de toutes les provinces, je suis sûr qu'il y a des Limousins qui valent les Provençaux et les Toulousains. Cependant un préjugé contraire a été quelquefois exprimé, d'abord par Rabelais, qui ne respectait rien: vous vous souvenez de cette scène si piquante où Pantagruel, ennuyé du mauvais français

latinisé d'un écolier de l'Université, lui dit en

le renvoyant : « Tu veux parler comme un Dé» mosthène de Grèce, et tu n'es qu'un Limou» sin de Limoges. » Vous savez aussi combien Molière, qui respectait si peu de chose, a quelquefois cherché à jeter du ridicule sur les Limousins. Eh bien, par une expiation anticipée, cette poésie vive, brillante, cet éclat de trompette, ce son de lyre, cette verve, ce génie musical, appartient à un Limousin. C'était dans le Limousin que s'élevait une partie de ces poètes si brillans, si hardis. Cette fanfare poétique que vous venez d'entendre, c'est de la banlieue de Limoges qu'elle vient. J'en conclus que les habitans de toutes les parties de la France sont également spirituels, et que peu de pays ont été mieux pourvus par la

nature.

Pour choisir aujourd'hui parmi les Troubadours (car le nombre est une difficulté de cette étude), nous nous sommes arrêtés à celui qui rend le mieux cet accent guerrier, et que l'on peut nommer le Tyrtée du moyen âge. Cette langue qu'il parlait, et qui portait le nom de langue limosine, de provençale, de catalane, était alors à son plus haut degré de perfection poétique, naturelle, forte. C'est la

langue qu'ont étudiée Pétrarque et le Dante. Dans cette langue, nous avons à considérer encore plus d'un poète célèbre, sans être supérieur aux autres, mais célebre par des circonstances étrangères à son génie, célèbre parce que Pétrarque l'a nommé, célèbre parce qu'il porte un nom historiquement conservé parmi nous. Il y a beaucoup de familles qui trouveraient leurs plus glorieux ancêtres dans les Troubadours de ce temps-là. Il y a une famille entre autres, dont je ne veux pas prononcer le nom, famille profondément dévouée à la monarchie, qui a bien produit le Troubadour le plus turbulent, le plus hardi, le plus factieux que l'on ait vu dans le xir siècle.

QUATRIÈME LEÇON.

Sources étrangères de la poésie provençale; digression à ce sujet. Quelques traces du souvenir de l'antiquité; mais surtout imitation de la poésie arabe. - Double influence du génie oriental sur l'Europe, par les deux moyens le plus opposés. Civilisation des chrétiens, d'abord moins adonnée aux arts que celle des Arabes. - Splendeur des Maures d'Espagne; leur ascendant sur l'imagination des Méridionaux; détails à cet égard. Caractère de leur poésie. Ses ressemblances avec la poésie des Troubadours; citations, rapprochemens.

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MESSIEURS,

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Nous avons épié le premier réveil de la poésie en Europe. Déjà, dans quelques chants des Troubadours, nous avons entrevu la naissante originalité du génie moderne. Il faut revenir sur nos pas, ou du moins nous détourner un

4. T. I. LITT. DU MOY. AGE. 1830.

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