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approbation solennelle aux chefs de la Réforme : la réponse ne se fait pas attendre. Elle est divisée en vingt-quatre articles, dont le vingt et unième est ainsi conçu : « Si Votre Altesse est résolue d'épouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire secrètement, comme nous avons dit à l'occasion de la dispense qu'elle demandait, c'est-à-dire qu'il n'y ait que la personne qu'elle épousera, et quelques autres au besoin, qui le sachent, en les obligeant au secret sous le sceau de la confession. Il n'y a pas ici à craindre de contradiction ni de scandale considérable; car il n'est point extraordinaire aux princes de nourrir des concubines, et, quand le menu peuple s'en scandalisera, les plus éclairés se douteront de la vérité. On ne doit pas se soucier beaucoup de ce qui s'en dira, pourvu que la conscience aille bien. C'est ainsi que nous l'approuvons 1. »

Cette consultation est signée de Luther, Mélanchthon, Bucer, Corvin, Adam, Leningen, Vinfert, Mélanther, c'est-à-dire de toutes les gloires de la Réforme à cette époque. L'acte de bigamie se célébra le 3 mars 1540, à Rothenburg sur la Fuld, en présence de Mélanchthon, de Bucer et d'autres théologiens.

1 Instrum. copulat. Philipp., landgravii, et Margarit. de Saal.Bossuet, Histoire des variations, t. I, p. 306.

Quant à la politique de Mélanchthon, elle fut celle de Luther, de Zwingli, de Calvin, qui fut celle de Machiavel et de la Renaissance : je veux dire le Césarisme antique.

Livré à tout vent de doctrine; en vertu même du libre penser, Mélanchthon, à l'exemple des philosophes de l'antiquité ses maîtres et ses modèles, change continuellement d'opinion et de système '. Comme eux, désespérant de trouver la vérité par le raisonnement, il finit par la demander à des pratiques superstitieuses. Mélanchthon mourut à Wittemberg en 1560, à l'âge de soixante-trois ans.

1 On cite de lui qnatorze sentiments différents sur la justification.

CHAPITRE XI.

THÉODORE DE BÈZE.

Les chefs du Protestantisme, Renaissants. Mot de Mélanchthon. Naissance et première éducation de Théodore de Bèze. Il se passionne pour les auteurs païens. Culte de la chair. Comme Luther, Zwingli, Calvin, Mélanchthon, il emporte cette passion à l'uniAu lieu d'étudier le droit, il cultive les muses.

versité.
avec laquelle il devient protestant.

obligé de fuir.

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- Facilité

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Il se retire à Genève. — Calvin l'envoie professer le grec à Lausanne. Il sème le libre penser.- Revient à Genève. Est fait ministre du saint Évangile.

Sa polémique semblable

à celle des Renaissants et des auteurs païens. Il applique le Paganisme à l'ordre social. - Il meurt comme il a vécu. il est chanté par des poëtes païens.

- Païen,

A côté de Luther nous avons vu Mélanchthon, venu de l'antiquité à la Réforme, passant sa vie à prêcher le mépris du moyen âge et l'admiration pour les grands orateurs et les grands philosophes de Rome et d'Athènes, et disant : « Voulez-vous récolter des libres penseurs, semez des humanistes. » Près de Zwingli nous trouvons Oswald Myconius, le Renaissant évangélique de Lucerne, dont la vie

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est écrite dans celle de Mélanchthon '. Enfin, à côté de celle de Calvin se dessine la figure de Théodore de Bèze, l'alter ego du réformateur français. Sa biographie n'est pas moins instructive que celle de ses maîtres.

Théodore de Bèze naquit à Vézelay, vieille cité des Éduens, le 24 juin 1519, et fut baptisé dans l'église où saint Bernard avait prêché la croisade. Son père, bailli de la ville, s'appelait Pierre de Bèze, et sa mère Marie Bourdelot : tous deux de noble race. « La famille des Bèze, écrivait plus tard Théodore, est ancienne dans le pays; elle remonte à plusieurs siècles, et si elle reprenait aux moines ce qu'elle leur a donné, elle serait dans l'abondance 2. »

Théodore avait un oncle, Nicolas de Bèze, conseiller au parlement de Paris et prieur de Villeselve. C'est chez lui qu'il vint, à peine dans sa neuvième

1 Myconius, né à Lucerne en 1484, fut élevé à Bâle par Erasme et Glaréan, s'y passionna pour les études païennes, se fit protestant et devint pasteur de Bâle, où il fut enterré; mort en 1542. Melch. Adam, p. 108.

2 Sum enim ego, ne nescias, Dei gratia... honestis avis et atavis prognatus; et ne ad allegorias tuas confugias, scito Bezarum familiam, si quæ forte ante ducentos et amplius annos in monachos superstitiose largita est reciperet, tam fore locupletem quam ægre hodie sese in sua inopia tuetur. Apol. alter. ad Claud. Sant.

(à Claude de Saintes), versus finem.

année, faire ses études en la compagnie d'un de ses cousins à peu près du même âge. Les auteurs païens, qu'on commençait, ainsi que nous l'ont dit Camérarius et Mélanchthon, à mettre entre les mains des enfants, furent le lait dont on nourrit ces jeunes âmes. Pour Théodore, ce lait devint un breuvage enivrant, qui agit d'abord sur ses sens, et plus tard sur sa raison. Chose remarquable! à douze siècles d'intervalle nous voyons le même résultat dans saint Augustin. « Pendant les sept années qu'il passa dans la maison de son oncle, dit le protestant Faye, IL N'Y A PAS UN AUTEUR GREC OU LATIN DE QUELQUE RENOM QU'IL NE LUT1. >>

Un autre protestant, Conrad Schlusselburg, ajoute: « C'est un fait constant que Théodore de Bèze s'enivra dès l'enfance des impudicités et des insolences des poëtes; et qu'il a passé sa vie à satisfaire ses passions, à chanter ses amours, à injurier ses adversaires, et à se transformer en Laïs et en Cupidon 2. »

1 Ita autem sub illius disciplina profuit per septennium, ut nullus nobilis auctor, vel græcus vel latinus extiterit quem non degustaverit. De vita et obitu Theod. Bezce, in-4°. Genève, 1561, p. 8.

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2 Certo constat Theodorum Bezam a pueritia imbibisse vatum impudicitiam et impudentiam, totamque ætatem explendis suis libidinibus et cupiditatibus, ac describendis suis amoribus, et ulciscendis suis rivalibus exercuisse, atque in meretricem lenam et

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