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contagieux, que dans l'espace de soixante ans, d'après les registres de la ville, cent cinquante individus furent brûlés à Genève pour crime de magie'.

Non-seulement les deux premiers fondateurs du Protestantisme, Luther et Zwingli, mais leurs principaux disciples, Munzer, Pélasge, Carlostadt et d'autres encore, parlent très-sérieusement de leurs entretiens avec le démon et des apparitions sensibles de ce dernier. « En effet, dit Ulenberg, rien n'était plus fréquent à cette époque que de voir Satan se transformer en ange de lumière . » Nous demandons maintenant à tout homme impartial 'si de ce qui précède ne résulte pas cette conclusion historiquement et logiquement incontestable, savoir, que LE PROTESTANTISME, NÉ DE LA RENAISSANCE, EST LE PAGANISME MÊME MOINS LA FORME PLASTIQUE?

1 Voir M. Audin, Vie de Calvin, t. II, p. 128.

2 Muntzer, Carlostadius, Pelasgus aliique revelationes jactant, ut frequens erat iis temporibus hoc stratagema Sathanæ in angelum lucis se transformantis. – Vit. Luther., p. 143, 484.

CHAPITRE XVIII.

EXAMEN DE QUELQUES DIFFICULTÉS.

Luther n'était pas Renaissant.

Renaissance.

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Il a dé

Réponse : Toute sa vie prouve le contraire. Il a proscrit les arts. - Distinction essentielle. clamé contre les auteurs païens. Raison de ces déclamations; elles ne prouvent rien. Le Protestantisme a eu d'autres causes que la Examen et nature de ces causes; distinction fondaLe Protestantisme aurait eu lieu sans la Renaissance. Examen de cette question. Réponse. La Renaissance n'a pas produit partout le Protestantisme. Raison de ce fait. Elle a produit le libre penser. livraison suivante.

mentale.

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- Phénomène remarquable. — Sujet de la

Contre la généalogie que l'histoire, parlant d'après les monuments originaux, assigne au Protestantisme, on élève plusieurs difficultés.

On dit : 4° « Luther n'était pas Renaissant. Il a proscrit les arts; il a déclamé tour à tour contre Aristote et contre saint Thomas, contre les auteurs païens et contre les auteurs chrétiens. >>

Luther n'était pas Renaissant! Toute sa vie prouve le contraire. Déjà nous l'avons vu, personne, après les Italiens, n'acclama avec plus d'enthou

siasme la Renaissance philosophique, littéraire et politique; personne n'étudia avec plus d'ardeur les auteurs païens; personne n'en fit plus de cas, puisqu'il les regardait comme les modèles de la vie humaine et les maîtres de la doctrine, puisque en entrant au couvent il n'emporta que Plaute et Virgile, puisqu'il recommandait instamment de les étudier comme un moyen d'émanciper la raison, puisqu'un de ses regrets, au milieu de ses luttes orageuses, était de ne pouvoir vivre dans leur compagnie et de devenir Grec à son gré, puisque enfin personne plus que lui et ses disciples n'a travaillé à répandre la connaissance et le culte de l'antiquité païenne.

Luther a proscrit les arts! - Il a défendu de faire des statues et des tableaux de saints et de saintes, et surtout de les exposer dans les églises, nous le savons; nous savons de plus, comme tout le monde, que cette conduite lui était imposée par les besoins de la lutte Luther voulait justifier l'accusation d'idolâtrie qu'il avait portée contre le catholicisme. Mais qu'il ait proscrit les arts profanes, fait lacérer ou briser les portraits et les statues des grands hommes, nous n'en avons pas trouvé trace dans son histoire. Est-ce qu'il n'applaudissait pas, et tous ses disciples avec lui, aux tableaux et même aux caricatures de Cranach et d'Holbein? Le compagnon

d'armes de Luther, Zwingli, n'appelait-il pas les arts des dons divins? Est-ce que le Protestantisme allemand du seizième siècle n'a pas, plus que tout autre, appelé à son aide le pinceau et le burin des artistes? N'est-ce pas en Italie que les peintres et les sculpteurs protestants allaient chercher, dans les monuments païens, des modèles du beau, comme les lettrés et les philosophes protestants allaient y puiser, dans l'étude des auteurs classiques, la vraie philosophie et la belle littérature?

Luther a déclamé contre les auteurs païens. Dans ses emportements Luther faisait la guerre à tout ce qui n'était pas lui. Aristote et saint Thomas, les Pères de l'Église et les philosophes de l'antiquité, Bucer et Zwingli, Carlostadt et OEcolampade, les auteurs païens et les auteurs chrétiens, rien n'était épargné. Mais ce n'est pas à Luther dans l'état d'ivresse qu'il faut s'en rapporter, c'est à Luther maître de lui-même. Or, nous avons vu pour qui étaient, dans le calme de la raison, ses admirations et ses préférences. Après avoir soutenu que la Réforme est sortie de la Renaissance, « la seule chose qui puisse étonner, ajoute M. Alloury, c'est de voir figurer Luther parmi les détracteurs les plus dédaigneux et les plus passionnés de la littérature ancienne et de toute littérature profane'. M. Charpentier a donné la véritable

1 Nous avons vu que cette assertion n'est pas exacte.

explication de cette anomalie. La mission que s'était donnée Luther en déclarant la guerre à l'Église et au pape, c'était de ramener le christianisme à son austérité primitive... La contradiction n'était qu'apparente. Le terrible réformateur, en fulminant contre le mouvement littéraire, était conséquent avec luimême il était dans son rôle1. »

On dit 2° : « Le Protestantisme eut d'autres causes que la Renaissance. »

Nous le savons; les uns attribuent l'explosion protestante à la querelle des indulgences et aux abus qui régnaient dans le clergé. C'est ainsi que plusieurs attribuent sérieusement l'explosion révolutionnaire de 1789 à un déficit dans les finances et aux abus de l'ancien régime. Les autres accusent la cupidité des princes avides des dépouilles de l'Église et des couvents; ceux-là, l'immoralité de certains moines impatients du joug imposé à leurs passions. Enfin, il en est qui voient dans Wiclef, dans Jean Huss, dans Jérôme de Prague, les précurseurs de Luther.

Que toutes ces circonstances réunies aient formé une sorte de préparation au Protestantisme, qu'elles aient contribué même à le propager, personne ne songe à le révoquer en doute. Mais autres sont les causes déterminantes d'un fait, autre la cause effi1 Débats, ubi suprà.

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