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contait le sacrifice que vous me faisiez de votre amour. Eh bien ! je veux répondre à votre générosité et vous montrer qu'avec moi la piété d'un fils ne reste pas sans récompense. Mon cher Pamphile, j'ai trouvé le moyen de concilier votre bonheur et ma réputation; c'est de me retirer à la campagne avec votre père, et j'y suis résolue. Ma présence ne sera plus un obstacle et rien ne s'opposera désormais au retour de Philumène auprès de vous.

PAMPHILE

Quel projet est-ce cela, je vous le demande? Cédant à son caprice, vous quitteriez la ville pour habiter la campagne? Vous n'en ferez rien; je ne le souffrirai pas, les médisants attribueraient une telle conduite à mes exigences et non à votre discrétion. Et puis, que vous renonciez à vos amies, à vos parents, à nos fêtes, uniquement pour moi, non, je n'y consens pas.

SOSTRATA

Mais tout cela n'est plus du plaisir pour moi. Tant que l'âge me l'a permis, j'y ai trouvé goût, je n'en éprouve plus que la satiété. Maintenant mon grand souci, c'est que la prolongation de ma vie ne soit à charge à personne et qu'on ne souhaite pas ma mort. Je m'aperçois que je déplais ici, sans l'avoir mérité; le moment est venu de me retirer. Par là, je couperai court, je crois, aux vains prétextes, je m'abrite contre les soupçons, je vais au devant de tous les désirs. Laissez-moi, je vous en conjure, me soustraire à la médisance qui n'épargne généralement pas les femmes.

PAMPHILE (a part)

Quel bonheur serait le mien, sans cette triste circonstance, avec une telle mère et une telle femme!

SOSTRATA

Obsecro, mi Pamphile,

Non tu te incommodam rem, ut quæque est, in animum induces pati?

Si cetera ita sunt ut vis, itaque uti esse ego illa existumo : Mi gnate, da veniam hanc mihi, redduc illam.

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Et mihi quidem : nam hæc res non minus me male habet

quam te, gnate mi.

Ter., Hecyra, Act. IV, sc. 1. 1

XXIX

Analyse faite par Cicéron de la scène où Pacuvius, à la fin de la tragédie intitulée Niptra, représentait la mort d'Ulysse 2.

Non nimis in Niptris ille sapientissimus Græciæ saucius lamentatur vel modice potius:

Pedetentius ac sedato nisu

Ne succussu arripiat major
Dolor.

Pacuvius hæc melius, quam Sophocles: apud illum enim perquam flebiliter Ulysses lamentatur in vulnere. Tamen huic leviter gementi, illi ipsi, qui ferunt saucium, personæ gravitatem intuentes, non dubitarunt dicere: Tu quoque, Ulixes, quamquam graviter Cernimus ictum, nimis pæne animo es Molli, qui consuetu's in armis

Evum agere.

G. Ramain,

(1) Voir, pour quelques-uns des morceaux de Térence Théâtre latin, Paris, 1897, in-16; E. Benoist et J. Psichari, les Adelphes, id., 1900, in-16; et, pour tous, les éditions complètes de: Eug. Talbot, Paris, 1869, in-12; F. Umpfenbach, Terenti Comœdiæ, Berlin, 1870, in-8. C'est ce dernier que je suis le plus souvent. Je n'ai pas besoin de rappeler ici combien, dans les ouvrages classiques, afin de faciliter aux élèves la lecture et l'intelligence des poètes les plus anciens, tels que Plaute et Térence, on a coutume de débarrasser l'orthographe de ces auteurs des formes archaïques

SOSTRATA

Je vous en prie, mon cher Pamphile, ne vous figurez pas la chose désespérée, quelle qu'elle soit. Si le reste est comme vous le désirez, et si Philumène est telle que je la crois, accordez-moi la grâce que je vous demande, mon cher enfant, reprenez-la chez vous.

PAMPHILE

Que je suis malheureux!

SOSTRATA

Et moi donc? Tout ceci ne m'afflige pas moins que vous, mon pauvre enfant.

XXIX

(Tom. II, p. 201).

Dans la tragédie Niptra, le plus sage des Grecs, tout blessé qu'il est, ne se plaint pas outre mesure, mais plutôt modérément :

<< Lentement, dit-il, pas d'effort précipité; qu'une secousse n'irrite pas ma souffrance. >>

Et en cela Pacuvius l'emporte sur Sophocle, chez qui Ulysse se lamente tristement sur sa blessure. Quelque faible pourtant que soit cette plainte, ceux qui le portent, vu la dignité du personnage, n'hésitent pas à lui dire :

Vous aussi, Ulysse, malgré la gravité de la blessure dont nous Vous voyons frappé, vous nous semblez montrer trop de faiblesse pour un homme habitué à la vie guerrière.

>>

qui s'éloignent le plus du latin moins ancien; il est d'usage de ne conserver de ces formes que celles qui suffisent à laisser aux textes un certain air de vétusté sans troubler par une orthographe trop insolite les yeux et l'esprit du lecteur.

(2) Cicéron donne cette analyse à l'appui de cette pensée que, chez l'homme qui veut être vraiment un homme, il faut que la raison ait pleine autorité sur l'autre partie de l'ame, dont le devoir est d'obéir.

Intelligit poeta prudens, ferendi doloris consuetudinem esse non contemnendam magistram. Atque ille non immoderate magno in dolore,

Retinete, tenete ! Opprimit ulcus :

Nudate! Heu miserum me, excrucior!

Incipit labi; deinde illico desinit,

Operite, abscedite jamjam,

Mittite nam attrectatu et quassu

Sævum amplificatis dolorem.

Videsne, ut obmutuerit non sedatus corporis, sed castigatus animi dolor? Itaque in extremis Niptris alios quoque objurgat, idque moriens :

Conqueri fortunam adversam, non lamentari decet :

Id viri est officium, fletus muliebri ingenio additus.

Hujus animi pars illa mollior rationi sic paruit, ut severo imperatori miles pudens.

Pacuvius, Niptra, fragm. 1; Cic. Tuscul, II, 21.

XXX

Tarquin le Superbe consulte des devins sur un songe prophétique dont son âme est troublée et les devins lui donnent l'explication de ce songe.

Quum jam quieti corpus nocturno impetu

Dedi, sopore placans artus languidos,

Visum est in somnis, pastorem ad me adpellere
Pecus lanigerum eximia pulchritudine;
Duos consanguineos arietes inde eligi,
Præclarioremque alterum immolare me;
Deinde ejus germanum cornibus connitier,

(1) Texte de O. Ribbeck.

(2) Dans la Vulgate ce vers se trouve avant le précédent, de sorte que l'éloge que contient celui-ci ne se rapporterait plus qu'aux deux béliers.

Le poète avisé n'ignore pas que, pour apprendre à souffrir, ce n'est pas une maîtresse à dédaigner que l'habitude. Du reste, le langage d'Ulysse n'a rien d'outré pour une douleur si forte :

<< Soutenez-moi, tenez-moi! ma blessure me fait mourir. Découvrez-la. Ah! malheureux! que je souffre ! »>

Il se laissait aller; mais aussitôt il s'arrête1 :

a Découvrez-la; retirez-vous et laissez-moi. Car, en me touchant, en me remuant, vous ne faites qu'augmenter mes cruelles douleurs. >>

Voyez-vous comme est réduite au silence, non pas la douleur du corps qui n'est pas calmée, mais celle de l'âme qu'il a maîtrisée? Aussi, à la fin de la tragédie, fait-il la leçon aux autres, quand il dit en mourant :

On peut se plaindre dans le malheur, mais non se lamenter. Pour l'homme, tel est le devoir pleurer est le propre des femmes. >>

Chez lui, la partie faible de l'àme s'est soumise à la raison comme à un général sévère obéit un soldat docile.

XXX

(Récit de Tarquin.)

(Tom. II, p. 239.)

<«<< La nuit venue, je livrais mon corps au repos pour délasser par le sommeil mes membres fatigués. Je vis en songe un pâtre qui amenait vers moi un troupeau d'une rare beauté; j'y choisis deux béliers

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(1) Plusieurs traducteurs, croyant que Cicéron représente ici ce qui se passait sur la scène, traduisent : Il se laisse ensuite tomber et ne dit plus que ces mots »; ils expliquent par une note qu'il devait y avoir sur le théatre un petit lit ou un siège mis là tout exprès pour recevoir le blessé. Mais au lieu d'appliquer les mots latins au fait matériel d'un jeu de theatre, rapportons-les à l'impression morale qu'éprouve le héros; cette explication, qu'a préférée Patin, s'accorde bien mieux avec le raisonnement philosophique de Cicéron.

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