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Quand finirons-nous, absents et présents, de nous créer des chagrins? Quand aurons-nous honte de troubler et de bouleverser l'État? Mais, si la chose est absolument impossible, remets au moment de ma mort ta brigue du tribunat; en m'invoquant alors fais tout ce qui te plaira, quand je ne sentirai plus rien. Dès que je serai morte, tu sacrifieras en mon honneur et ta piété filiale invoquera ma divinité. En ce moment-là ne rougirais-tu pas d'adresser tes prières à des divinités que tu aurais, dans leur vie et en leur présence, négligées et délaissées? Puisse Jupiter tout-puissant t'empêcher de persévérer dans ton projet et éloigner de ton esprit une si grande folie! Car, si tu persévères, je crains que, pour toute ta vie, tu ne recucilles de ta faute tant de souffrance qu'en aucun temps tu ne puisses être en repos et content de toi-même.

XLII

(Tom. II, p. 409.)

Citoyens, faites usage de votre sagesse et de votre discernement habituel, cherchez, et vous verrez qu'aucun de nous ne vient ici sans être guidé par l'intérêt. Nous tous qui faisons des discours, nous demandons quelque chose, et personne ne se présente devant vous sans l'espoir d'y trouver un profit. Moi-même qui vous parle pour que vos revenus s'accroissent et que vous puissiez plus facilement pourvoir à vos intérêts et à ceux de la république, je ne le fais pas pour rien. Ce n'est pas de l'argent, il est vrai, que je vous demande, mais de l'estime et de la considération. Ceux qui parlent contre la loi ne recherchent pas votre considération, mais l'argent de Nicomède. Ceux qui vous

liaris suæ pretium et præmium. Qui autem ex eodem loco atque ordine tacent, hi vel acerrimi sunt: nam ab omnibus pretium accipiunt et omnes fallunt. Vos, cum putatis eos ab his rebus remotos esse, impertitis bonam existimationem. Legationes autem a regibus, cum putant eos sua causa reticere, sumptus atque pecunias maximas præbent: uti in terra Græcia, quo in tempore tragœdus quidam gloriæ suæ ducebat, talentum magnum ob unam fabulam datum esse, homo eloquentissimus civitatis suæ Demades ei respondisse dicitur: «Mirum tibi videtur, si tu loquendo talentum acquisivisti? Ego, ut tacerem, decem talenta a rege accepi. » Item, nunc isti pretia maxima ob tacendum accipiunt.

Caius Gracchus.

XLIII

Apostrophe de Crassus à M. Brutus au moment où par hasard passa le convoi de Junia pendant qu'il plaidait contre M. Brutus pour Cn. Plancus.

Brute, quid sedes? quid illam anum patri nuntiare vis tuo? quid illis omnibus, quorum imagines duci vides? quid majoribus tuis? quid L. Bruto, qui hunc populum dominatu regio liberavit? quid te facere? cui rei, cui gloriæ, cui virtuti studere? Patrimonione augendo? At id non est nobilitatis; sed fac esse : nihil superest; libidines totum dissipaverunt. An juri civili? est paternum; sed dicet, te, quum ædes venderes, ne in rutis quidem et cæsis solium tibi paternum recepisse. An rei militari? qui nunquam castra videris. An eloquentiæ? quæ nulla est in te; et, quidquid est vocis ac linguæ, omne in istum turpissimum calumniæ quæstum contulisti. Tu lucem aspicere audes? tu hos intueri? tu in foro, tu in urbe, tu in civium esse conspectu? tu illam mortuam, tu imagines ipsas non

conseillent de la voter ne vous demandent pas non plus votre estime, mais ils veulent s'enrichir aux dépens de Mithridate. Et quant aux hommes du même ordre et du même rang qui se taisent, ils sont les plus àpres de tous: car ils reçoivent de tout le monde et ils trompent tout le monde. Vous, avec la conviction qu'ils restent étrangers à ces agissements, vous leur accordez votre estime. Et d'autre part les ambassadeurs des rois, persuadés que chacun d'eux se tait dans l'intérêt de la cause qu'ils défendent, leur prodiguent les présents et l'argent. C'est ainsi qu'en Grèce, un jour qu'un tragédien se glorifiait d'avoir reçu un talent pour une seule représentation, Démade, l'orateur le plus éloquent de son pays, lui fit, dit-on, cette réponse: «Tu trouves prodigieux d'avoir reçu un talent pour parler, et moi, pour me taire, j'en ai reçu dix du grand roi.» Voilà précisément comment ici ces gens-là se font donner de grosses sommes pour garder le silence.

XLIII

(Tom. II, p 447).

Eh bien, Brutus, vous restez immobile ? Que voulezvous, dites-moi, que cette femme vénérable aille annoncer à votre père ? à tous ces hommes illustres dont vous voyez porter les images? à vos ancêtres? à L. Brutus, qui affranchit ce peuple de la domination des rois ? Pourra-t-elle dire ce que vous faites? quelle occupation, quelle gloire, quelle vertu vous recherchez? Dira-t-elle que vous travaillez à augmenter votre patrimoine? ce soin peut-être n'est point digne de votre naissance, mais supposons qu'il le soit; il ne vous reste rien; vos excès ont tout dissipé. Dira-t-elle que vous vous appliquez au droit civil ? C'était la science de votre père; mais elle dira que vous, en vendant la maison paternelle, de tout le mobilier vous n'avez même pas conservé le siège du jurisconsulte. L'art mili

perhorrescis? quibus non modo imitandis, sed ne collocandis quidem tibi ullum locum reliquisti.

Crassus, fragm.

XLIV

Invocation à Vénus.

Eneadum genetrix, hominum divomque voluptas,
Alma Venus, cæli subter labentia signa

Quæ mare navigerum, quæ terras frugiferentes
Concelebras; per te quoniam genus omne animantum
Concipitur, visitque exortum lumina solis:

Te, Dea, te fugiunt venti, te nubila cæli,
Adventumque tuum; tibi suaves dædala tellus
Summittit flores; tibi rident æquora ponti,
Placatumque nitet diffuso lumine cælum.
Nam simul ac species patefacta'st verna diei,
Et reserata viget genitabilis aura Favoni;
Aeriæ primum volucres te, Diva, tuumque
Significant initum, perculsæ corda tua vi:
Inde feræ pecudes persultant pabula læta,
Et rapidos tranant amnes; ita capta lepore
Illecebrisque tuis, omnis natura animantum '
Te sequitur cupide, quo quamque inducere pergis:
Denique per maria ac montes, fluviosque rapaces,
Frondiferasque domos avium camposque virentes,
Omnibus incutiens blandum per pectora amorem,
Efficis ut cupide generatim sæcla propagent.

(1) Ce vers n'est pas dans toutes les éditions.

taire ? Vous n'avez jamais vu un camp. L'éloquence? Vous n'en avez pas la moindre notion ; et ce que vous possédiez de poumons et de langue, vous l'avez prostitué à cet infâme métier de calomniateur. Et vous osez voir la lumière du jour! vous osez regarder en face ce tribunal! vous osez vous montrer au forum, dans cette ville, aux yeux de vos concitoyens! vous ne frémissez pas de honte et d'horreur à la vue de cette morte et de toutes ces images de vos ancêtres? vous qui, loin de pouvoir imiter vos aïeux, ne vous êtes même pas réservé le moindre endroit pour y placer leurs portraits!

XLIV

(Tom. II, p. 468.)

Mère d'Énée et de sa race, charme des hommes et des dieux, vivifiante Vénus, sous la voûte des cieux et les astres errants, tu peuples les mers que sillonnent les vaisseaux et les terres que revêtent les moissons; car c'est par toi que tous les êtres animés, de quelque espèce qu'ils soient, sont conçus et voient à leur naissance la lumière du soleil. Devant toi, ô déesse, à ton approche, les vents prennent la fuite et les nuages se dissipent; la terre artistement parée met sous tes pas ses délicieux tapis de fleurs; les flots de la mer te sourient; et le ciel, dont rien ne trouble plus l'azur, s'épanouit dans toute l'expansion de son éclat.

Quand s'est manifestée la première apparence de la saison printanière, et que, sortie de son assoupissement, se ranime l'haleine féconde du zéphyr, dans l'air aussitôt les oiseaux, ô déesse, annoncent ta présence, frappés au cœur par ta puissance; puis les troupeaux emportés bondissent par les gras pâturages et traversent les fleuves rapides; éprise de ton charme et de tes attraits, toute la nature animée te suit ardemment où tu l'entraînes; au fond des mers, sur les montagnes, dans les fleuves impétueux, sous les feuillages qu'habite la gent ailée et dans la plaine ver

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