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A VIS

Pour les motifs que nous avons expliqués dans la préface du premier volume (p. X), nous nous sommes abstenu autant que possible d'introduire au milieu des développements de notre histoire de la littérature latine de longs passages des auteurs : nous n'y avons usé que de très brèves citations pouvant aider à l'analyse et à l'appréciation de leurs œuvres. Reconnaissant toutefois qu'il ne serait pas inutile de placer sous les yeux du lecteur, à l'appui de notre critique, un certain nombre d'extraits plus étendus de chaque écrivain, nous nous sommes promis de fournir, à la suite des trois volumes de la première partic, un recueil ordonné de morceaux, dont chacun, dans l'ouvrage, a toujours été annoncé à l'endroit précis auquel il se rapporte.

Au bas des pages de cet Appendice on ne trouvera pas beaucoup de notes 1. Ayant dit ce que nous avions à dire de la vie et des œuvres de chaque auteur, nous n'avons pas à nous répéter. Et puis, bien que traduire un si grand nombre d'extraits importants d'écrivains différents exige un travail considérable, nous avons cru devoir nous l'imposer, et une traduction, à laquelle nous avons apporté le plus grand soin, accompagne tous les textes.

L'ordre même dans lequel se présentent ces textes donne au lecteur l'avantage de pouvoir facilement et rapidement passer en revue les évolutions successives de la langue et de la littérature latines.

Et à ce propos qu'une observation nous soit permise. De notre manière de procéder ne peut-il pas résulter pour les professeurs des classes supérieures de l'enseignement secondaire l'indication d'un moyen commode de donner à leurs élèves des séries de devoirs et d'explications alliant méthodiquement le travail habituel de la version au soin moins ordinaire de l'étude littéraire? Il arrive trop souvent que des jeunes gens qui ont traduit du latin durant plusieurs années ne se rendent aucun compte de l'ensemble de la littérature latine. Cela tient à ce que, si on leur demande, chaque année, la traduction d'une quarantaine de pages d'écrivains divers, on les leur présente isolément, sans coordination, et avec le seul souci de varier la difficulté de cet excellent exercice. Mais si chacune de ces quarante versions était accompagnée d'une courte analyse de l'oeuvre dont elle est tirée, et si toutes étaient choisies, dans un ordre chronologique, de manière à permettre des explications les reliant entre elles, le résultat ne serait-il pas tout autre? Sans nuire en rien à l'effort des jeunes traducteurs, ne les munirait-on pas des notions littéraires que seul un enseignement méthodique et continu peut fournir? Il nous semble que, dans les classes supérieures tout au moins, rien ne serait plus logique et plus aisé que de mener ainsi de front l'étude de la traduction et celle de l'histoire de la littérature se corroborant l'une l'autre.

(1) Pour faciliter la mise en pages, les notes du texte latin ne sont pas toujours placées toutes au bas de ce texte, elles sont parfois reportées au bas de la traduction qui est en regard; elles sont d'ailleurs numérotées.

I

Plaintes et prédictions de Cassandre.

ПЕСТВА

Sed quid oculis rabere visa es derepente ardentibus?
Ubi illa tua paulo ante sapiens virginali'modestia?

CASSANDRA

Mater, optumarum multo mulier melior mulierum,
Missa sum superstitiosis ariolationibus:

Namque Apollo fatis fandis dementem invitam ciet.
Virgines æquales vereor, patris mei meum factum pudet
Optumi viri. Mea mater, tui me miseret, mei piget :
Optumam progeniem Priamo peperisti extra me : hoc dolet;
Men obesse, illos prodesse, me obstare, illos obsequi!.....
Adest, adest fax obvoluta sanguine atque incendio!
Multos annos latuit: cives, ferte opem et restinguite.....
. . Eheu, videte!

Judicabit inclytum judicium inter deas tres aliquis:
Quo judicio Lacedæmonia mulier, furiarum una, adveniet...
Jamque mari magno classis cita
Texitur exitium examen rapit;
Advenit, et fera velivolantibus
Navibu'complevit manu littora.....
O lux Trojo, germane Hector!

... Quid te ita contuo lacerato corpore,

Miser, aut qui te sic tractavere nobis respectan

tibus ?.....

Nam maximo saltu'superabit gravidus armatis equus ..... Qui suo partu ardua perdat Pergama1.

Ennius, Alexander.

(1) En suivant le texte établi par 0. Ribbeck (Tragic. latin, reliquiæ, 1852, in-8), je n'observe pas complètement son classement des divers fragments de la prédiction; car, bien qu'on puisse dire que les transports d'une prophétesse excusent le désordre des idées, il vaut mieux, me semble

I

(Tom. I, p. 233).

HÉCUBE

Pourquoi voit-on la fureur en tes yeux subitement enflammés? Qu'as-tu fait depuis peu de ta si sage retenue virginale ?

CASSANDRE

O mère ! O femme, de beaucoup la meilleure entre les meilleures des femmes, je suis réduite au rôle prophétique des devins; Apollon, s'emparant de mon esprit, me fait dire, malgré moi, ses oracles. Sur les jeunes filles, mes compagnes, j'ose à peine lever les yeux, et devant mon père, lui, le plus digne des hommes, je rougis de ce que je fais. Ma mère, je vous plains, je me fais honte à moimême tous les enfants que vous avez donnés à Priam sont excellents, sauf moi; quelle douleur d'être pour vous une charge, un embarras, quand ils sont votre appui et votre félicité.....

Le voici! Le voici! Le brandon qu'enveloppent le sang et le feu! Beaucoup d'années il est resté caché; citoyens, au secours! éteignez-le..... Voyez donc! Un grand jugement entre trois déesses est prononcé par un homme; par suite une femme de Sparte, une des furies, nous arrive..... Et déjà sur l'immensité de la mer une flotte rapide s'ordonne; c'est notre perte que veut cette bourdonnante multitude; la voilà venue, et par ses navires ailés elle a couvert d'une armée nos rivages... O lumière de Troie, Hector, ô mon frère, pourquoi ton corps ainsi déchiré, malheureux, et qui t'a mis en cet état sous nos yeux ?... D'un bond considérable il a franchi l'enceinte le cheval, gros de guerriers, dont l'enfantement doit causer la perte de la haute Pergame!

t-il, et c'est l'avis qu'a exprimé M. Patin dans ses Études sur la poésie latine (2 éd. tom. II, p. 127), donner à toutes les parties du morceau la suite même qu'indique naturellement la chronologie des faits.

II

Une scène de l'ACHILLES, d'Ennius, analysée par Cicéron.

Videmus ex acie efferri sæpe saucios; et quidem rudem illum et inexercitatum, quamvis levi ictu, ploratus turpissimos edere. At vero ille exercitatus, et vetus, ob eamque rem fortior, medicum modo requirens, a quo obligetur,

O Patrocle, ad vos adveniens, auxilium et vestras manus peto,
Priusquam oppetam malam pestem, mandatam hostili manu.
Neque sanguis ullo potis est pacto profluens consistere :
Si qua sapientia magis vestra devitari mors potest.
Namque Esclapii liberorum saucii opplent porticus;
Non potest accedi.

Certe Eurypylus hic quidem est. Hominem exercitatum! Ubi tantum luctus continuatur? Vide, quam non flebiliter respondeat; rationem etiam afferat, cur æquo animo sibi ferendum sit:

Qui alteri exitium parat,

Eum scire oportet sibi paratam pestem, ut participet parem.

Abducet Patrocles, credo, ut collocet in cubili, ut vulnus obliget, si quidem homo esset. Sed nihil vidi minus. Quærit enim, quid actum sit.

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Eloquere, eloquere res Argivum prælio ut se sustinet?

Non potis ecfari tantum dictis, quantum factis suppetit
Laboris. Quiesce igitur tu, et vulnus alliga.

Etiam si Eurypylus posset, non posset Esopus'.

Ubi fortuna Hectoris

Nostram acrem aciem inclinatam....

et cetera explicat in dolore. Sic est enim intemperans militaris in forti viro gloria.

Ennius, Achil., fragm. 2; Cic., Tuscul., II, 16-17.

(1) Réflexion par laquelle Cicéron associe Pardeur de l'acteur à celle du guerrier dont il remplissait le rôle..

II

(Tom. 1, p. 237).

Nous voyons souvent rapporter du champ de bataille. des soldats blessés : quelque novice, qui n'a encore subi aucune épreuve, se laisse aller, même pour une atteinte légère, à de honteuses lamentations; mais le vieux soldat, accoutumé à la douleur et au courage, demande seulement un médecin qui lui bande sa plaie.

« Patrocle, en venant à vous je réclame le secours de vos mains avant de succomber au mal que m'a fait une main ennemie. Je n'ai en mon pouvoir aucun moyen d'arrêter la perte de mon sang; si l'habileté de quelqu'un doit me préserver de la mort, c'est la vôtre, car les enfants d'Esculape ont leur tente encombrée de blessés, on ne peut y accéder. »

Voilà bien Eurypyle. Un homme aguerri! Pas une plainte. Voyez combien il est loin de se lamenter, puisque, en répondant à Patrocle, il lui explique même la raison pour laquelle il doit supporter patiemment sa souffrance:

Qui poursuit la mort d'autrui, doit savoir qu'un même sort peut être son partage. »

Patrocle, j'imagine, va l'emmener, le mettre au lit, bander sa plaie? Oui, si Patrocle était un homme ordinaire. Mais que non pas; il lui demande des nouvelles de l'action :

« Parle, parle; pour les Grecs comment va le combat? Mes paroles ne sauraient suffire au récit de tant d'efforts. Repose-toi donc et soigne ta blessure. »

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Quand Eurypyle le pourrait, Æsopus ne le pourrait pas.

«La fortune d'Hector a fait fléchir notre vaillante armée... »

et il raconte le tout malgré sa douleur, tant un brave s'oublie dans la passion de la gloire militaire!

Texte de O. Ribbeck en grande partie.

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